Exonération du minimum vital

Modification de l’art 11.1 LHID

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Conseiller fédéral,

Chers Collègues,

 

La pauvreté est un phénomène qui va en s’aggravant depuis quelques années dans notre pays. Les services d’action sociale assistent quelque 300’000 personnes en difficultés. La pauvreté est surtout citadine. Les groupes sociaux les plus touchés sont les femmes élevant seules leurs enfants, les chômeurs en fin de droit et les travailleurs insuffisamment rémunérés. La situation est préoccupante et c’est la raison pour laquelle, la commission du Conseil national a pris la chose en mains. Elle a fait une analyse fouillée de la situation et a proposé un certain nombre de mesures destinée à lutter de manière ciblée contre ces divers types de pauvreté. Coordination entre les assurances sociales et mise en place d’un réseau solide de lutte contre la pauvreté, amélioration de la formation et intégration des personnes frappées par la pauvreté, garantie du minimum vital, mesures de politique familiale et de politique fiscale en font partie.

 

En ce qui concerne la fiscalité, la commission du national propose de reprendre une décision des deux Chambres du 20 juin 2003, qui avait rencontré une large adhésion au Parlement à l’époque, proposant d’exonérer d’impôt le minimum vital. Cette disposition avait cependant été refusée par le peuple dans le cadre d’une votation globale sur un train de mesures diverses en 2004. La commission estime unanimement que c’est un élément central de la lutte contre la pauvreté et qu’il vaut la peine de la reprendre. Elle conclut, je cite, « qu’instaurer une franchise d’impôt assez importante serait une mesure efficace et peu contraignante au niveau administratif pour soutenir les personnes en situation précaire ».

 

Son initiative parlementaire est donc issue d’une longue réflexion sur les outils de lutte contre la pauvreté en Suisse. L’exonération fiscale est à ses yeux une mesure importante et efficace.

 

C’est une mesure qui coûte fort peu à l’Etat, car les personnes qui vivent avec le minimum vital ne paient que très peu d’impôts, souvent elles ne peuvent pas s’en acquitter, et pour cause, et elles coûtent beaucoup en rappels et poursuites, qui finissent parfois en actes de défaut de biens. Ce serait donc intéressant d’évaluer si l’Etat perd quelque chose quand il n’impose plus le minimum vital.

 

L’article 127, al. 2 de la constitution stipule que chacun paie des impôts en fonction de sa capacité économique. Le fait d’imposer le minimum vital n’est donc pas logique dans ce contexte. Si on définit un minimum vital, par essence, c’est que l’on considère que c’est la somme minimale  nécessaire pour pouvoir vivre dans notre société. Alors imposer cette somme minimale, c’est forcément l’amputer et faire passer les familles concernées au-dessous du minimum vital et donc être en contradiction avec la constitution, puisqu’on demande à des personnes de s’acquitter d’impôts qu’elles ne peuvent pas payer en fonction de leur capacité économique.

 

On pourrait partir du principe que toute personne  doit s’acquitter d’impôts par principe, parce qu’elle appartient à la société et doit participer à l’effort commun, selon le principe de l’universalité de l’imposition. C’est un argument que je comprends, mais alors, cela signifie qu’il faudrait compter les impôts dans le minimum vital et donc fixer ce minimum vital plus haut. Le Tribunal fédéral précise que, je cite, « du point de vue constitutionnel, on peut uniquement exiger que le droit à la garantie du minimum vital d’une personne ne soit pas atteint par une taxe étatique. » C’est au législateur de décider comment faire pour garantir le maintien du minimum vital.

 

L’imposition du minimum vital a aussi des conséquences négatives : il vaut mieux avoir l’aide sociale ou un maximum de prestations complémentaires, car à revenu égal, on paie moins d’impôts. En effet, les rentes AI, AVS et les très petits salaires sont imposés, tandis que les prestations complémentaires et l’aide sociale ne le sont pas. Il reste donc plus d’argent à disposition si on travaille moins… Ce qui compte, c’est le revenu disponible et les impôts contribuent à accentuer cette distorsion au détriment de ceux qui travaillent plus et gagnent plus.

 

Le Conseil national a adopté ces modifications le 5 octobre 2006 par 112 voix contre 46. Je vous propose de les approuver aussi aujourd’hui.

 

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