1er août

Chères Concitoyennes, Chers Concitoyens, Chers Amis de Bevaix, et d’ailleurs, qui fêtez ce soir avec nous,

 

Je suis très heureuse d’être ce soir à Bevaix et de fêter ce 1er août avec vous, dans votre joli village du bord du lac de Neuchâtel. Le 1er août, c’est une fête de la communauté suisse, bien sûr, mais aussi de la communauté locale. Nous n’avons jamais voulu en Suisse une fête nationale qui se caractérise par une démonstration de force militaire dans notre capitale. Pas de défilé, pas d’avions, pas de blindés, ni de passage sous un hypothétique arc de triomphe. Non. Nous avons toujours voulu des fêtes décentralisées, parce que ce que nous voulons fêter, c’est notre attachement à notre coin de terre en même temps qu’à notre pays tout entier.

 

Même la mythique prairie du Grütli n’a jamais été le centre de nos fêtes nationales. C’est probablement pour cette raison que nos amis de Suisse centrale n’avaient pas jugé indispensable d’y organiser une fête du 1er août cette année. Il est vrai que cette année, cette fête au Grütli est devenue symbolique. Elle est devenue le symbole que notre histoire appartient à toutes les Suissesses et à tous les Suisses et que personne ne peut se l’approprier.

 

Notre histoire, notre présent et notre avenir nous appartiennent, à nous toutes et tous Suissesses et Suisses, étrangères et étrangers qui vivons dans ce coin de pays.

 

Notre histoire a commencé il y a plus de 700 ans, quand trois Suisses se sont rencontrés sur une prairie au Grütli. Walter Fürst, Werner Stauffacher et Arnold de Melchtal ont signé un pacte d’entraide, pour se prémunir de la « malice des temps et de la puissance du prince », ont-ils écrit. Il s’agissait donc essentiellement d’un acte de solidarité, mais aussi d’un acte de liberté. La solidarité et la liberté ont été les deux valeurs qui ont été à l’origine de notre pays. La Suisse, contrairement à bien d’autres pays, s’est créée par un acte volontaire. Les Suisses ont voulu vivre ensemble, se porter mutuellement assistance et construire ensemble leur Etat.

 

On pourrait croire aujourd’hui que ça allait de soi. La Suisse paraît tellement lisse, vue de l’extérieur ! Eh bien non, vous le savez bien, c’est comme dans les meilleures familles, il y a eu bien des conflits tout au long de notre histoire. En d’autres termes, la Suisse ne s’est pas faite en trois coups de cuillère à pot. Il a fallu intégrer des populations qui avaient des origines bien différentes, des cultures bien différentes. Les cantons qui se sont peu à peu joints à la Confédération avaient sans doute des valeurs ou des intérêts communs, mais ils avaient aussi des langues et des religions différentes.

 

Il a fallu apprendre à vivre ensemble, apprendre à tenir compte des autres, de leur sensibilité, apprendre à se respecter malgré les différences, et en particulier, à laisser une place aux minorités. Pour y arriver, nous avons mis au point toute une série d’instruments démocratiques. S’il faut en citer quelques-uns, je parlerais du fédéralisme, de l’autonomie communale et des instruments de démocratie directe, comme l’initiative et le référendum, que vous utilisez certainement aussi souvent et qui vous permettent d’aller de temps en temps aux urnes pour exprimer votre pensée sur les sujets qui nous préoccupent tous et toutes, et enfin aussi, vous seriez sans doute étonnés que je ne le cite pas, un instrument de rééquilibrage entre les grands et les petits cantons, le Conseil des Etats. Tous ces outils nous ont permis de vivre ensemble au cours des siècles.

 

La Suisse connaît la diversité et sait vivre avec etlle. Il faut dire que nous sommes au coeur du continent et qu’à ce titre, nous avons toujours été traversés par des voyageurs, qui nous ont apporté leur regard sur notre pays. Parfois, ils se sont arrêtés chez nous.

 

Il y a eu des marchands, des compagnons, venus de toute l’Europe pour apprendre leur métier chez nous. Il y a eu les réfugiés huguenots, les rescapés de la Révolution française, les traînards oubliés par les armées de Napoléon. Puis il y a eu des travailleurs, venus d’Italie, d’Espagne ou du Portugal, qui ont bâti nos villes et creusé nos tunnels. Enfin, il y a eu les réfugiés des pays de l’Est, puis de l’ex-Yougoslavie ou d’autres pays, chassés par la guerre, les troubles politiques, la misère ou l’injustice.

 

Vivre ensemble aujourd’hui, qu’est-ce que cela signifie ?

 

Cela signifie, permettre à chacun et à chacune de vivre bien dans notre pays et de s’y épanouir. Il faut une place pour ceux et celles qui veulent créer, fabriquer, entreprendre. Il faut une place pour ceux et celles qui veulent penser, chercher, découvrir. Il faut aussi une place pour ceux et celles qui s’efforcent de vivre le mieux possible malgré la maladie, le handicap ou l’adversité.

 

Nous faisons tous et toutes partie de la même société. Notre système politique et économique doit permettre aux entrepreneurs d’émerger. Il doit permettre aux scientifiques de travailler dans de bonnes conditions. Il doit aussi permettre aux plus démunis de trouver le soutien dont ils ont besoin pour vivre ou pour croire à nouveau en leur avenir.

 

Permettre à chacun et à chacune d’avoir une place, maintenir une bonne cohésion sociale n’est pas toujours chose facile. Aujourd’hui, dans notre pays, la distance se creuse entre ceux et celle qui ont largement de quoi vivre et ceux et celles qui ont tout juste de quoi vivre. Les familles, et plus encore les familles monoparentales, sont les plus menacées par la pauvreté. Des milliers d’enfants grandissent dans la précarité. Notre économie va mieux. Il serait juste que tout le monde profite de cette embellie.

 

Vivre ensemble aujourd’hui, c’est aussi prendre notre place en Europe et dans le monde. Avec les accords bilatéraux, avec la libre circulation des personnes, avec notre participation au fonds de cohésion européen, nous avons fait de grands pas en avant. Nous avons montré clairement notre volonté de contribuer à la construction de l’Europe, même sans faire partie de l’Union européenne.

 

Vivre ensemble, c’est aussi œuvrer pour la paix, lutter partout dans le monde pour le respect des droits de l’homme et pour la justice, contre la violence et contre la pauvreté, mais aussi contre les catastrophes écologiques, qui jettent sur les routes des milliers de réfugiés de la sécheresse ou des inondations, car c’est bien souvent le malheur et le sentiment de n’avoir plus rien à perdre qui causent les conflits ou qui les radicalisent.

 

Notre principal ennemi, c’est l’indifférence.

 

Ce qui fait de nous des Neuchâteloises et des Neuchâtelois, des Suissesses et des Suisses, ce sont nos valeurs communes de solidarité et de liberté. C’est ce qui a poussé nos ancêtres à s’unir. C’est ça qui fait notre identité et nous ne devons pas avoir peur de la perdre. La Suisse change, c’est vrai. Certains voudraient qu’elle reste toujours pareille, mais c’est un rêve irréaliste. En fait, elle a toujours changé. Au carrefour de toutes les cultures, il ne peut pas en être autrement. Malgré cela, notre identité est forte et elle nous survivra.

 

Fêter le 1er août, c’est réaffirmer notre conviction que nous avons un projet commun, la Suisse, et que nous pouvons, aussi différents que nous soyons,  apporter notre contribution à la construction de notre avenir commun.

 

Je vous souhaite une belle soirée.

 

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