Quel est cet oiseau qui passionne notre petite république ? De la salle du Grand Conseil aux bureaux du Conseil d’Etat, du café du Commerce aux sièges des associations, on parle de lui. Les idées, les commentaires et les critiques fusent… Vous avez deviné : c’est du grand tétras qu’il s’agit !
Cet oiseau n’est pas seulement emblématique de la forêt neuchâteloise. Il est aussi devenu le symbole d’une grande difficulté : celle de mettre en place une politique de sauvegarde efficace. La forêt est au carrefour de multiples intérêts divergents. Entre la tranquillité d’une place de parade, des travaux de bûcheronnage urgents ou une course d’orientation, que choisiriez-vous ? Des contacts ont été pris depuis des années avec le canton, les milieux forestiers, sportifs et écologiques, afin de trouver une solution de consensus, mais sur le terrain, au cœur des bois, la situation de cet oiseau extraordinaire ne s’améliore pourtant que fort peu. Le nombre d’individus recensés sur sol neuchâtelois ne parvient pas à atteindre le minimum nécessaire à sa survie.
Que perdrons-nous s’il disparaît ? Quelle est la valeur d’un grand tétras ?
Quelle est celle d’une mésange ? Une petite boule, pas plus grosse qu’une balle de golf et quelques plumes joliment colorées…. Votre banquier ne vous en donnerait sans doute pas grand-chose. Elle n’entre pas non plus dans le calcul de notre produit intérieur brut au chapitre des richesses naturelles. Pourtant, elle a une valeur écologique. Elle joue un rôle dans l’équilibre de notre planète. Il faudra bien qu’on en tienne compte un jour. Surtout, elle a une valeur infinie pour celles et ceux qui s’émerveillent en contemplant la vie sous toutes ses formes. Un gazouillis dans la charmille, un sifflement sur le pré ou un trille au-dessus de votre tête… Votre attention s’éveille, votre coeur s’égaie, vous vous rappelez que c’est le printemps…
Posons-nous donc la question : « Quelle est la place que nous accordons aux oiseaux ? » Quelquefois considérés comme ennemis de l’agriculture ou concurrents des pêcheurs, chassés, accusés de laisser sur les façades des traces pires que celles des « taggeurs », poursuivis par des photographes jusque dans leur intimité ou appréciés des gourmets pour leur chair délicate, ils ne sont pas toujours à la fête…
Pourtant certaines espèces prospèrent dans nos villes et nos jardins. D’autres au contraire ont besoin de mesures de protection strictes pour pouvoir survivre. Enfin, on l’apprend dans ce volume, nous avons la joie d’accueillir dans notre région quelques espèces qui avaient disparu depuis longtemps ou qui n’avaient même jamais peuplé nos forêts et nos rivages.
Le monde change. La faune aussi.
Cet ouvrage permet de faire le point sur l’état ornithologique de notre canton. C’est un élément important de la connaissance de nos oiseaux. Sa particularité, qui fait aussi son intérêt, c’est de ne pas se limiter à un état des lieux, mais de le mettre en relation avec des données historiques et de nous permettre ainsi de mieux cerner l’évolution des populations. Nous avons de la chance : Neuchâtel a une tradition ornithologique bien implantée et les observations sont, depuis longtemps, nombreuses et fiables.
Cela nous donne les clés d’une vraie politique de gestion de la faune ailée. Quelles sont les espèces qui se maintiennent facilement ? Pour lesquelles faut-il prendre des mesures de protection? Que faut-il faire ? Où et quand devons-nous agir ? Une chose est certaine : si nous voulons préserver la richesse de notre canton, sa biodiversité, nous devons désormais intervenir. C’est incontournable, car la pression humaine sur les milieux naturels est devenue trop forte pour qu’ils puissent toujours subsister sans aide.
Puisse cet ouvrage servir la cause du grand Tétras et celle des milliers de petites boules de plumes qui rendent notre vie tellement plus belle…
Gisèle Ory
Présidente du Grand Conseil neuchâtelois 2006-2007