Loi fédérale sur les langues, art. 15. al. 3

Art. 15 al. 3

 

Minorité : Selon le Conseil national

 

Chers Collègues,

 

Cet alinéa est certainement celui qui nous a valu le plus de discussions en commission. Le Conseil national s’est prononcé en faveur d’un énoncé respectueux et propre en particulier à rassurer les Romands et à assurer la cohésion de la Suisse à long terme. La commission du Conseil des Etats a décidé de biffer cet alinéa, suivant ainsi la position des cantons, qui veulent garder la haute main sur l’ordre d’introduction de l’apprentissage des langues.

 

Je comprends les cantons. Ils ont fait du mieux qu’ils pouvaient. Ils sont dans l’incapacité de trouver un consensus sur ce sujet, tant le nombre de cantons alémaniques acquis à l’enseignement prioritaire de l’anglais est aujourd’hui important. A mes yeux, cela est grave.

 

Certains membres de la commission, conscients des enjeux de cette question, ont fait diverses propositions destinées à trouver au moins une solution de compromis avec le Conseil national. Ces propositions ont été retirées, tant le sentiment était fort au sein de la commission que l’on ne parviendrait pas à trouver une solution de consensus. Cela m’inquiète, car il y va de la cohésion de notre pays à long terme.

 

Si les cantons ne peuvent être tenus pour responsables individuellement de la cohésion de notre pays et que l’on ne peut donc demander à la CDIP de prendre des décisions volontaristes dans ce domaine, cela est en revanche de la responsabilité de la Confédération. Or en l’occurrence, la Confédération a quelques craintes. Elle n’ose pas demander aux cantons de privilégier une solution susceptible de garantir la cohésion. En d’autres termes, la Confédération ne trouve pas la cohésion de notre pays suffisamment importante pour que l’on demande aux cantons alémaniques de privilégier l’apprentissage du français par rapport à l’anglais. Que devons-nous comprendre, nous Romands ? Que nos concitoyens et concitoyennes préfèrent s’entendre avec les anglophones qu’avec nous ? Que devons-nous en conclure, nous qui privilégions depuis toujours l’apprentissage de l’allemand, bien que ce ne soit pas facile du tout ? Que les efforts ne sont fait que d’un côté… et cela nous laisse dans la bouche une amertume, dont le goût est difficile à faire passer. Pourquoi faisons-nous ces efforts ? En sommes-nous récompensés ? Ne devrait-on pas n’apprendre que l’anglais, nous aussi et nous simplifier ainsi la vie ? Les Alémaniques sauront mieux l’anglais. Les écoles polytechniques et les universités enseignent déjà partiellement en anglais. De nombreux masters sont publiés en anglais. Pourquoi ne pas écrire à nos concitoyens en anglais, tenir nos débats du Conseil des Etats en anglais, publier les arrêts du Tribunal fédéral en anglais ? Et oublier ainsi largement notre histoire, notre culture… et notre avenir commun.

 

Si l’on fixe dans la loi l’apprentissage prioritaire d’une langue nationale, c’est aussi un avantage pour les Alémaniques, car c’est en somme un début d’harmonisation des programmes scolaires. Pour respecter les articles constitutionnels sur la formation, il faut des objectifs d’apprentissage harmonisés entre les cantons, de manière à ce que les enfants puissent déménager sans difficultés.

 

Il faut voir aussi qu’il sera difficile pour les petits Alémaniques d’apprendre conjointement l’allemand, l’anglais et le français. Ils abandonneront donc le français qui est plus difficile. Il faut commencer par le français pour arriver à un bon niveau. Il ne faut pas commencer par le plus facile, mais par le plus difficile.

 

En outre, les statistiques montrent que si l’on veut être en adéquation avec le marché de l’emploi, ce n’est pas l’anglais, mais le français qu’il faut apprendre. La plupart des employeurs exigent le français avant l’anglais.

 

Enfin, cette indication dans la loi ne viole pas la constitution. L’étude du professeur Borghi l’a vérifié. Nous pouvons donc aujourd’hui prendre une décision semblable à celle du Conseil national et donner ainsi un signe clair en faveur de l’entente entre les diverses communautés linguistiques de notre pays.

 

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