Jean Jaurès

imagessingulieres.com J. Jaurès

 

Jean Jaurès

 

Nous l’avons vu, en cette année 1907 de la venue de Jean Jaurès à La Chaux-de-Fonds, le monde ouvrier est en pleine évolution dans notre ville.

 

Les ouvriers font des efforts importants pour tenter de s’organiser, mais la chose n’est pas facile. Dans les deux branches les plus importantes de notre région, l’horlogerie et le bâtiment, les difficultés s’accumulent. L’horlogerie est morcelée en une infinité de petits métiers : boîtes, ébauches, cadrans, aiguilles, terminaison, réglage, etc., sans compter les travailleurs à domiciles, qui ont bien de la peine à s’entendre et à se soutenir les uns les autres. En outre les crises économiques qui accompagnent la restructuration de l’industrie de la montre, il y en avait déjà à cette époque-là, fragilisent la position des ouvriers, qui subissent des licenciements et des baisses de salaire, sans pouvoir rien empêcher.

 

Le bâtiment, lui, emploie essentiellement des ouvriers étrangers, engagés, courageux, mais souvent peu stables géographiquement.

Je reviens en quelques mots sur l’ambiance qui prévaut à La Chaux-de-Fonds en ce début de novembre 1907, en rappelant quelques faits marquants qui ont émaillé notre vie chaux-de-fonnière de l’époque et quelques idées qui remuaient les esprits.

 

En 1892, les horlogers créent la Fédération des ouvriers horlogers et rejoignent l’USS. En 1895, une  grève éclate. La répression est dure. Plus de 1000 ouvriers syndiqués sont licenciés. L’USS et le syndicat horloger viennent à leur secours et vident totalement leurs caisses. C’est une débâcle financière, dont le syndicat horloger va mourir en 1896.

 

La Chaux-de-Fonds connaît en 1904, une grève très importante des maçons italiens. On compte plus de 1000 grévistes, bien organisés et soutenus par les Italiens en Suisse et par les ouvriers horlogers. La grève s’apprête à durer. Les entrepreneurs adressent alors une pétition au gouvernement, qui envoie la troupe, arrête 200 grévistes, dont les meneurs et les expulse.

 

 

En 1906, les horlogers parviennent à s’unir à nouveau pour recréer un syndicat. Il faut dire que la grève des boîtiers métal de 1905 avait ruiné leur syndicat et qu’ils sont obligés de faire preuve de solidarité.

 

De leur côté, les fabricants s’organisent et se soutiennent aussi les uns les autres. Ils acquièrent une belle confiance en eux avec le grand lock out de Longines, qui a lieu à peu près au moment de la venue de Jaurès à La Chaux-de-Fonds.

 

En 1906 également, Neuchâtel expérimente la deuxième tentative romande de grève générale, après Genève en 1902. La notion de grève générale et de syndicalisme révolutionnaire germe dans les esprits, mais tout le monde n’y est pas acquis. Les organisations syndicales neuchâteloises sont plutôt disciplinées. Les maçons et manœuvres demandent 10% d’augmentation, neufs heures de travail par jour et un salaire minimal. La grève est menée par les Italiens, mais les Suisses n’en sont pas solidaires. Les jaunes foisonnent. Les altercations se multiplient. L’attitude de la police fâche les syndicats. L’UO essaie de déclencher une grève générale. Elle a peu de succès, mais les idées sont dans l’air et plusieurs autres grèves générales suivront.

 

Je dirai juste quelques mots de la grève générale vaudoise qui a éclaté en mars 1907, parce que c’est juste avant l’arrivée de Jaurès. La grève vaudoise commence par un conflit dans des fabriques de chocolat du groupe Nestlé et s’étend rapidement à tout le canton, à Genève et aux autres branches sous l’influence des syndicalistes révolutionnaires. Elle tourne en émeute et les gendarmes tirent sur la foule. Le Conseil d’Etat mobilise la troupe. La foule l’accueille à coups de cailloux. Les ouvriers obtiennent la semaine de 59 heures, mais la répression est dure : arrestations, expulsions, procès… 270 soldats réfractaires sont jugés.

 

L’USS désapprouve cette grève et se promet de continuer à combattre énergiquement les partisans de l’action directe et de la grève générale.

 

Nous en sommes là en ce jour de novembre 1907, lorsque l’icône du socialisme français est l’hôte de La Chaux-de-Fonds.

Jean Jaurès incarne le socialisme  de la lutte ouvrière, mais aussi celui de l’unité. C’est un rassembleur. Depuis la grande grève de Carmaux en 1892 où il prend la défense des grévistes, il est convaincu par la lutte des classes et le socialisme et il donne la priorité à l’unité socialiste, qui devient effective en 1905 avec la création de la SFIO, qui réunit les différentes tendances socialistes de France. Il noue aussi le dialogue avec les syndicalistes révolutionnaires de la CGT. Pour lui, l’humanité est une et l’homme de gauche doit s’impliquer dans la République pour une révolution démocratique et non violente.

 

C’est de cela dont nous avons besoin à La Chaux-de-Fonds en 1907: des convictions socialistes bien ancrées, une reconnaissance pour la lutte ouvrière et un discours rassembleur, car les ouvriers chaux-de-fonniers les plus avertis savent bien qu’il faut passer par l’union des forces pour résister au patronat qui commence à s’organiser.

 

Rester unis ! Il n’y a jamais eu d’autre moyen de gagner, quand on n’a pas la force du pouvoir politique, de l’argent ou la force de frappe.

 

C’est le message que Jean Jaurès apporte à La Chaux-de-Fonds. Ce message est encore valable aujourd’hui.

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