Initiative « Pour la baisse des primes dans l’assurance maladie »

Monsieur le Président,

Monsieur le Conseiller fédéral,

Chers Collègues,

 

Cette initiative a pour but d’ajouter des articles constitutionnels en ce qui concerne l’assurance maladie, or il n’est pas nécessaire de modifier la constitution pour les raisons qui sont évoquées dans l’initiative. Cette initiative n’est donc pas utile, ni même bienvenue. L’initiative, comme le contre-projet, introduisent dans la constitution des principes fort discutables, qui ne peuvent que nuire à l’organisation actuelle, performante de notre assurance maladie sociale et solidaire. Le peuple suisse et ses élus se sont battus pendant des années pour mettre en place une assurance performante et solidaire, qui rende des soins de qualité accessibles à tous. Nous vous proposons donc de recommander au peuple et aux cantons de rejeter cette initiative sans contre-projet.

 

Aucun des postulats de base de cette initiative ne peuvent être accepté.

 

Limiter les prestations médicales et les soins aux mesures destinées à atténuer la douleur et à guérir, et à réintégrer le patient serait une restriction considérable de l’accessibilité des soins à la majorité de la population et introduirait une médecine à deux vitesses qui remettrait fondamentalement en question le principe de l’assurance maladie solidaire actuelle.

 

Il en va de même de la volonté de diminuer les prestations du catalogue de base.

 

La liberté de contracter limitée aux prestations jugées comme nécessaires et dont l’efficacité est reconnue par la science laisse un pouvoir d’appréciation considérable à des experts qui devrait déterminer ce qui est efficace. Or la médecine n’est pas une science exacte et ce qui est efficace pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres.

 

Avec cette initiative, il n’y aurait plus de prise en charge et de couverture complète des besoins en matière de traitement et de maternité. Il n’y aurait plus non plus de mesures de prévention prises en charges, comme la vaccination ou le dépistage du cancer.

 

Verser les contributions de la Confédération et des cantons directement aux assureurs, comme semble le proposer l’initiative, donne à ceux-ci trop de responsabilités dans le financement. Le système actuel de financement de l’assurance maladie est fondé sur une coresponsabilité de la Confédération, des cantons et des assureurs qui paraît être très souhaitable. Les cantons sont bien sûr totalement opposés à ce modèle de financement moniste. Les assureurs sont privés. Ils ne peuvent gérer des fonds publics. Il serait faux de leur donner un pouvoir aussi disproportionné dans un domaine aussi important pour la population. Aucune modification des compétences ne se justifie en l’état actuel.

 

En ce qui concerne la volonté de favoriser la concurrence sur le marché de la santé, c’est une vue de l’esprit. De toute évidence, la santé n’est pas un marché libre et la concurrence n’y joue pas vraiment. Le client n’est pas libre d’acheter ou non une prestation. Il doit l’acheter, si sa santé est atteinte. En outre, les prestataires de soins peuvent avoir une influence déterminante sur le patient et peuvent le convaincre qu’il a besoin de tel ou tel traitement ou de tel ou tel médicament, sans que celui-ci puisse juger de la pertinence du conseil qui lui est donné. A cela s’ajoute que ce n’est pas le patient qui va payer la prestation qu’il a achetée, mais un tiers. Le patient n’est donc pas un client susceptible de choisir la meilleure prestation au meilleur prix.  Souvent même il ne sait pas ce qui lui est facturé et n’est pas en mesure de contrôler les factures qui lui sont adressées.

 

En outre, les différents prestataires sont à la fois des indépendants et des acteurs du service public. Ils font des affaires en vendant des prestations et en même temps, ils sont investis de responsabilités collectives quand ils doivent assurer une permanence, un approvisionnement régulier, participer à des actions de promotion de la santé, etc. On ne peut donc partir de l’idée qu’ils sont totalement indépendants et que la concurrence entre eux va les obliger à baisser leurs prix jusqu’à un plancher, considéré comme d’équilibre entre l’offre et la demande. On a d’ailleurs reconnu expressément cette dualité pour les pharmaciens, puisque l’on a séparé le prix du médicament de la rétribution de service du pharmacien.

 

D’ailleurs, ce marché ne fonctionnant pas selon les lois du marché, l’Etat doit intervenir pour le réguler et l’organiser, garantir la qualité, éviter les doublons, lutter contre la hausse des prix, permettre une offre équilibrée de soins de santé dans toutes les régions, etc. La libéralisation totale de ce secteur et la concurrence pourrait tout à fait aboutir, comme pour les autres services publics comme la poste, à la désertion des régions périphériques et à la concentration des services dans les régions centrées et rentables. Or dans le domaine de la santé, ce serait encore plus grave que pour la poste.

 

Ces modification de la constitution n’amènent donc rien de plus à l’assurance maladie sociale que nous connaissons maintenant. Le titre en est trompeur. Il promet une baisse des primes, ce qu’il propose en réalité, c’est une baisse des prestations et une diminution de la solidarité. Le texte en est peu clair. Il ouvre beaucoup de boîtes de Pandore. Je vous prie donc, Chers Collègues, de rejeter cette initiative. Nous pouvons être fiers de notre système de santé. Ne le détruisons pas !

 

Le contre-projet amène quelques améliorations aux défauts les plus criants de l’initiative, comme par exemple la prise en compte de réductions de primes pour les assurés les plus modestes, mais ne la transforme pas fondamentalement. La commission a fait de louables efforts pour rendre ce texte un peu plus acceptable. Il ne l’est toujours pas, ni pour la population, ni pour les cantons.

 

Je vous propose donc, Chers Collègues, de rejeter aussi le contre-projet.

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