Département de la sécurité

Sur le plan organisationnel, la création d’un département de la sécurité est une erreur grave. Tout d’abord, parce que l’on ne respecte pas un principe de base de la démocratie : la séparation des pouvoirs de contrainte. Il ne s’agit pas de la même séparation des pouvoirs qu’entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire, mais le principe qui sous-tend la réflexion est le même : il faut séparer les entités qui détiennent un pouvoir de contrainte de manière à éviter une collusion entre elles, qui pourrait finir par une remise en question de la démocratie. La jonction entre la police et l’armée est un modèle de base de toute bonne dictature militaire ! Ce n’est pas ce que nous voulons dans notre pays.

Dans notre pays, ce que nous voulons, c’est des pouvoirs de contrainte sous le contrôle de l’exécutif, qui ne peuvent pas s’autonomiser, et plus encore, sous le contrôle du législatif. Et c’est une règle vieille comme le monde, il faut diviser pour régner ! Or nous, en tant que parlementaires, nous voulons garder le contrôle tant de la police que de l’armée et ne pas en devenir dépendants !

En revanche, nous devons aussi assurer la meilleure efficacité possible tant à la police qu’à l’armée. Nous devons donc bien fusionner certains services pour lesquels une fusion augmenterait considérablement l’efficacité. Je pense en particulier aux services de renseignements, qui eux, doivent non seulement travailler en collaboration, mais gagneraient à joindre leurs forces. Or les renseignements sont un élément stratégique, tant de l’armée, que de la police pour le contrôle du terrorisme et du grand banditisme, qui ont d’ailleurs souvent des liens.

Nous avons une réflexion de fonds à mener pour améliorer la lutte contre les trafics d’armes, de drogues, de matériel nucléaire ou d’êtres humains et pour améliorer la prévention des actes terroristes. C’est une réflexion qui est très difficile, car les citoyens suisses sont encore traumatisés par l’affaire des fiches et quand on parle police fédérale, il voient automatiquement des gens qui passent leur temps à traquer des citoyens libres penseurs et non pas à lutter contre les divers trafics internationaux illégaux.

Et nous avons en effet beaucoup à améliorer dans le domaine des trafics illégaux internationaux. La lutte contre la traite des être humains par exemple n’en est qu’aux balbutiements. Elle est actuellement totalement inefficace. Et nous avons aussi beaucoup à faire pour améliorer l’image de la police fédérale.

Essayons de définir les missions, puis les besoins de la police et donnons lui les moyens nécessaires à remplir sa mission.

L’armée en revanche a des rôles et des missions bien différents. Une partie de ses effectifs n’est pas professionnelle. Elle ne peut traquer les terroristes internationaux ou s’occuper des divers trafics. Pour cela, il faut des professionnels.

Elle assure la sécurité extérieure et par conséquent aussi intérieure. Elle est une représentation publique de la force de contrainte (et non pas privée comme dans certains pays qui n’assument pas leur pouvoir de contrainte étatique et sont victimes de milices privées qui entretiennent l’ordre et le désordre à leur convenance, mais en-dehors des règles de la démocratie et du contrôle parlementaire.)

Elle assure la sécurité aérienne.

Elle fournit les renseignements nécessaires à la guerre de l’information (pénétration informatique des systèmes de sécurité, risque de paralysie des états).

Elle a une mission de maintien et de promotion de la paix sur mandats de l’ONU, de l’OSCE ou de l’Europe. Elle peut intervenir massivement quand la paix est menacée. Elle est le dernier recours quand la diplomatie a échoué. Elle se situe donc comme un outil lié à la diplomatie et devrait créer une synergie automatiquement avec les affaires étrangères dans une conception moderne du rôle de l’armée, conception qui a déjà présidé à certaines orientations de la réforme de l’armée et à l’envoi de la Swisscoy au Kosovo. Si on veut fusionner les départements, c’est une fusion fondée sur une vision moderne et cohérente du rôle de l’armée. Les synergies qui s’imposent le plus, ce sont les synergies entre l’armée et le DFAE.

Elle a une mission humanitaire. Corps d’aide en cas de catastrophe par exemple et surtout aide humanitaire. Dans ce cas aussi, les synergies naturelles se font avec le DFAE. l’utilisation de l’armée pour l’accompagnement de convois humanitaires, camions de vivres par exemple, qui devraient souvent être accompagnés pour que l’on soit sûr qu’ils arrivent à destination et ne sont pas revendus au plus offrant par des réseaux locaux illégaux.

Pour définir les différentes missions de l’armée, il faut commencer par une analyse des risques et des menaces, qui doit rester de la compétence du Parlement. Quels sont les risques, quel est le degré de risque que l’on peut tolérer ? Quelles sont les réponses ? Notre organisation peut-elle répondre à ces problèmes

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