Fumée passive

Monsieur  le Président,

Monsieur le Conseiller fédéral,

Chers Collègues,

Les risques liés à la fumée passive sont reconnus depuis longtemps. On ne compte plus les études scientifiques qui mettent en évidence la relation étroite qui existe entre fumée passive, certaines maladies graves et certains décès. Les chiffres sont alarmants et on ne peut plus les contester.

L’OMS  a pris cette question très au sérieux et a élaboré une convention cadre pour la lutte antitabac. A l’article 8 de cette convention, elle traite de la protection contre l’exposition à la fumée du tabac et impose aux parties de prendre des mesures efficaces pour assurer une protection contre l’exposition à la fumée du tabac. A l’article 8.1, « les parties reconnaissent qu’il est clairement établi sur des bases scientifiques, que l’exposition à la fumée du tabac entraîne la maladie, l’incapacité et la mort. » A l’article 8.2, il est indiqué que « Chaque partie adopte et applique, dans le domaine relevant de la compétence de l’Etat en vertu de la législation nationale, et encourage activement, dans les domaines où une autre compétence s’exerce, l’adoption et l’application des mesures législatives, exécutives, administratives et/ou autres mesures efficaces prévoyant une protection contre l’exposition à la fumée du tabac dans les lieux de travail intérieurs, les transports publics, les lieux publics intérieurs et, le cas échéant, d’autres lieux publics. »

L’Europe n’est pas restée inactive et de nombreux pays ont déjà pris des mesures contre la fumée passive dans les lieux publics. L’Irlande a été pionnière, la France et l’Italie ont aussi introduit une interdiction de fumer dans les établissements publics.

Plusieurs cantons suisses l’ont aussi fait. Le Tessin a une législation déjà en vigueur. Soleure, Appenzell et les Grisons s’y préparent.

Il faut dire que la pression de la population est de plus en plus forte. La population veut que l’on prenne des mesures, et pas seulement des demi-mesures ! Les organismes qui se préoccupent de prévention dans le domaine de la santé insistent depuis plusieurs années pour que l’on assure la protection des personnes exposées à la fumée dans le cadre de leur profession, comme en particulier les employés des bars, restaurants et dancings. Elles estiment que près de 1000 personnes en meurent chaque année en Suisse et que le coût des problèmes de santé liés à la fumée passive est de l’ordre de 500 millions par année.

Dans les cantons de Fribourg, Neuchâtel et Vaud, des initiatives populaires qui vont dans le même sens ont été déposées. A Genève, l’initiative populaire contre la fumée a été plébiscitée par près de 80% des électeurs et électrices lors de la votation du 24 février dernier.

Le devoir de protéger la population contre la fumée passive est considéré comme faisant partie du respect des droits fondamentaux de la personne humaine. Il s’agit du respect du droit à la vie et à une santé aussi bonne que possible.

Je reconnais la qualité du travail des organes de la Confédération dans le cadre du programme national de prévention du tabagisme. Je pense qu’il doit être soutenu et renforcé, mais nous devons aussi aller plus loin.

Il est temps que la Suisse se dote d’une loi fédérale qui assure la protection de la population contre la fumée passive. Elle doit essentiellement protéger les travailleurs et les travailleuses de l’hôtellerie et de la restauration, car ce sont ceux qui sont le plus exposés à la fumée secondaire, mais aussi tout travailleur qui y est exposé dans le cadre de son travail en atelier et en bureau.

Malheureusement, avec le projet de loi, tel qu’il vous est proposé aujourd’hui, on ne peut atteindre ces objectifs que très partiellement, et c’est très dommage. Pour que nous puissions atteindre réellement les objectifs que nous visons, nous ne devons pas accepter la possibilité d’ouvrir des établissements fumeurs et ne pas autoriser des fumoirs avec service dans les établissements publics. Permettre l’ouverture d’établissements fumeurs est une manière de vider la loi de sa substance. Les employés de ces établissements seront encore plus exposés qu’actuellement, puisque ces établissements seront prioritairement fréquentés par de gros fumeurs. C’est aussi  introduire une distorsion de la concurrence, puisque tous les établissements ne seront plus soumis aux mêmes règles. Des fumoirs sans service, pourquoi pas, mais des fumoirs avec service remettent aussi en question la protection des employés de la restauration. Les quelques éléments de protection que nous avons ajoutés à la loi sont illusoires et ne servent qu’à se donner bonne conscience. A cela s’ajoute, que ces nouvelles dispositions doivent pouvoir s’appliquer aussi rapidement que possible. Il faut donc éviter de trop longs délais transitoires.

Il est dommage que la branche de la gastronomie ne se rende pas compte de l’effet positif de telles dispositions. Positifs sur le confort de ses clients, mais aussi positifs sur la santé de ses employés. Je peux comprendre son souci, mais je pense qu’il n’est pas justifié. Quand une règle s’applique pareillement à tout le monde, elle n’a pas d’effet particulier sur chacun.  La population ne va pas changer ses habitudes de vie parce qu’une petite minorité ne pourra plus fumer assise à sa table et devra se lever quelques minutes pour aller fumer dehors ou dans un fumoir.

L’OMS le précise : « Des mesures efficaces de protection contre l’exposition à la fumée du tabac comme celles qui sont envisagées à l’article 8 de la convention cadre passent par une interdiction totale de fumer et par une élimination totale de la fumée du tabac dans un espace ou un environnement donnés afin d e créer un environnement à 100% sans tabac. »  Elle ajoute qu’il n’existe pas de seuil au-dessous duquel l’exposition à la fumée du tabac serait sans danger, qu’on ne peut donc pas déterminer des limites de toxicité et que de nombreuses mesures comme la ventilation, la filtration de l’air ou la création de zones fumeurs ont démontré leur inefficacité. Aménager une zone fumeurs dans un restaurant, c’est comme aménager un coin pipi dans une piscine…

Chers Collègues, je vous propose d’entrer en matière sur cette loi et d’accepter ensuite les diverses propositions de minorités que nous avons déposées, pour en sauver l’efficacité.

Art. 2, al. 2

Chers Collègues,

Je vous propose de préférer la version du Conseil fédéral. En réalité, la différence entre ces deux versions est très grande. Il s’agit de permettre le service, ou de ne pas le permettre, dans des locaux réservés aux fumeurs. Que l’on autorise les gens à fumer dans des espaces réservés, c’est une chose, mais que l’on demande à des employés d’y travailler, en est une autre. Il s’agit bel et bien du respect de la santé des employés et c’est le but même de cette loi, qui est ici partiellement remis en cause. Que le travailleur soit d’accord de travailler dans un milieu enfumé ne change rien à l’affaire. Ce ne peut être considéré comme une protection suffisante de sa santé contre la fumée. Tout d’abord, la relation entre employeur et employé n’est pas égalitaire. Un employé n’a pas toujours la possibilité de refuser  en toute liberté un travail qui lui est proposé et ensuite il n’est pas correct de mettre systématiquement en danger la santé des employés les plus arrangeants.

Je vous propose donc d’accepter la proposition de la minorité et de suivre le Conseil fédéral.

Art. 2a

L’étude valaisanne menée en 2007, par l’institut universitaire romand de santé au travail, auprès de 1500 personnes et parue le 14 février dernier est très claire : les employés de restaurants, de bars ou de discothèques sont tous exposés à la fumée passive. Ils inhalent l’équivalent de 15 à 38 cigarettes par jour. C’est une dose considérable, qui peut être qualifiée de dangereuse pour la santé. Avec la fumée, il n’y a pas de seuil. Toutes les doses peuvent être mortelles, mais cette dose, qui représente un à deux paquets de cigarettes par jour est dangereuse pour la santé de beaucoup de personnes.

Or ces personnes ne fument pas volontairement. La fumée leur est imposée en fonction de leur métier. Elles n’ont pas le choix. Si elles veulent gagner leur vie, elles doivent exposer leur santé. C’est une situation qui n’est pas acceptable. On ne devrait donc autoriser ni lieux fumeurs desservis, ni établissements fumeurs.

La possibilité d’autoriser des établissements fumeurs, vide la loi de sa substance, car il est probable que de nombreux établissements, qui n’auront pas envie de faire d’efforts, se prévaudront de cette possibilité pour éviter toute mesure de lutte contre la fumée. Ce sera donc très clairement une inégalité de traitement, voire éventuellement dans certaines régions, une distorsion dans la concurrence. Tous les établissements ne seraient pas soumis aux mêmes normes et certains (les moins respectueux de leurs employés) pourraient avoir éventuellement un avantage concurrentiel, ou tout au moins, auraient-ils moins de contraintes.  Cela ne me paraît pas judicieux et devrait être évité.

Je vous propose donc là aussi de soutenir la minorité.

Art. 4

Cette précision a une certaine importance au vu des différences entre les cantons dans ce domaine, et probablement aussi au vu des différences entre la Confédération et les cantons. Plusieurs cantons ont déjà pris des mesures très strictes dans le domaine de la fumée. D’autres vont suivre. Certains ont voté ou vont voter des initiatives populaires, elles aussi restrictives. Il n’est pas pensable qu’ils doivent renoncer à leur législation, alors que nous sommes en train de faire une loi bien moins efficace que celles qui sont déjà en vigueur dans les cantons.  Nous empiéterions gravement sur les compétences des cantons, si nous leur retirions  ce droit en indiquant dans la loi que nous avons épuisé nos compétences législatives en créant cette loi. Du point de vue juridique, nous ferions quelque chose de tout à fait inhabituel et de fort discutable. Du point de vue politique, nous ferions quelque chose de tout à fait maladroit et qui ne manquerait pas de soulever une opposition violente dans de nombreux cantons, qui sont en train de prendre des mesures qui vont plus loin que la loi fédérale que nous sommes en train de faire et qui sont sous la pression de la population, d’initiatives et de pétitions.

Je vous prie donc, Chers Collègues, d’accepter la proposition de la commission.

e le tabagisme passif!

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