Caisses bon marché

Monsieur le Président,

Chers Collègues,

Le problème que soulève notre collègue Frick est bien connu. Nous savons quelles sont les pratiques en matière de chasse aux bons risques. De nouvelles caisses apparaissent régulièrement sur le marché. Ces nouvelles caisses, lancées à des prix attractifs, attirent le jeune public, peu argenté, non encore fidélisé, intéressé par des primes basses.

Le principe de base de la LAMal, c’est la solidarité entre les sexes, entre les jeunes et les personnes âgées, entre les bien portants et les malades. Lancer une nouvelle caisse, c’est pratiquer une sorte de sélection des risques en attirant essentiellement les jeunes. Plusieurs exemples très parlants ont été cités en commission. Certaines caisses ont une moyenne d’âge des assurés inférieure à 30 ans. On peut considérer qu’il y a là clairement une sélection des risques et par conséquent une désolidarisation entre les jeunes et les personnes âgées.

Les grands groupes créent des caisses d’appel, qui leur permettent de sélectionner les risques. Les petites assurances n’ont pas cette marge de manœuvre. Les grands groupes ont donc tendance à attirer les bons risques dans leurs caisses bon marché, au détriment des petites assurances qui n’ont pas cette possibilité.

L’autorité de surveillance n’a jamais réprimandé les groupes qui créent des caisses bon marché. Elle ne les amende pas. Elle ne déclare pas cette pratique illégale. Et pour cause ! Cette pratique n’est en effet pas contraire à la loi. Elle se trouve dans une zone grise et l’on pourrait dire qu’elle ne contrevient pas à la loi, mais à l’esprit de la loi. Le refus d’un assuré, jugé trop onéreux, serait illégal, mais les caisses bon marché ne refusent jamais un assuré, elles se contentent de le décourager par des contraintes administratives longues ou rébarbatives…

On peut relever que cela ne pourrait pas se produire si la concurrence entre les caisses était bien réelle et si les gens changeaient automatiquement de caisse chaque fois qu’il y en a une moins chère qui se présente sur le marché…

En réalité, les caisses se font actuellement de la concurrence au niveau de la gestion des risques au lieu de se la faire au niveau de la gestion des coûts.

Il est important de faire cesser la chasse aux bons risques, parce que c’est une manière de détourner l’esprit de la loi. Quels moyens avons-nous pour cela ? Plusieurs, mais aucun n’est totalement efficace.

Nous pouvons améliorer la compensation des risques. Actuellement la compensation des risques se fait en fonction de deux critères : le sexe et l’âge. On pourrait sans doute l’affiner  en y ajoutant de nouveaux critères, comme l’état de santé. C’est ce que nous avons fait dans le cadre du financement hospitalier. Pourrait-on aller plus loin ?

Nous pourrions reprendre la proposition de création d’un pool des hauts risques comme le suggère M. le Conseiller fédéral Pascal Couchepin. Ce modèle est très intéressant, mais doit encore être défini.

Nous pourrions étudier la question de la mise en commun d’une partie des réserves ou de toutes les réserves, ce qui mettrait un peu plus d’équité entre les grandes caisses et les petites, parce qu’actuellement les petites doivent faire des réserves considérables, qui pèsent lourdement sur leurs résultats.

Nous pourrions interdire les caisses bon marché, pour autant que nous puissions définir ce qu’est une caisse bon marché.

Nous pourrions aujourd’hui modifier la LAMal de sorte que les caisses réunies sous une direction unique soient tenues, pour l’assurance obligatoire de base, de fixer une prime uniforme pour tous les assurés d’une même région, comme le demande la motion Frick.

J’ai apprécié à sa juste valeur le commentaire de Comparis concernant les hausses de primes prévisibles suite à l’acceptation de la motion Frick… « Pour 42% des assurés des groupes d’assureurs maladie, cela se traduirait par des primes d’assurance de base plus levée. Dans les cas extrêmes, par plus de 1700.- de plus par an ». C’est une manière de s’exprimer intéressante ! Car si 42% des assurés verraient leurs primes augmenter, cela veut aussi dire, si je ne me trompe, que 58% des assurés verraient leurs primes baisser ! Ou pour être plus exact, vraisemblablement 56% paieraient moins et 2% paieraient la même chose. Et si l’on veut être un peu plus fin, sans surprise, les jeunes paieraient un peu plus et les plus âgés, un peu moins, conformément au principe de solidarité entre les générations…

Je vous propose donc d’accepter la motion de notre collègue Frick, comme une occasion de mettre cette question sur le tapis et de chercher de réelles solutions à cette chasse aux bons risques.

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