Droit de recours des organisations de défense de l’environnement

Le droit de recours des organisations de protection de la nature fait beaucoup parler de lui. Depuis que je me suis engagée au WWF pour défendre la nature neuchâteloise, ça fait plus de 20 ans maintenant, j’ai vu des remises en question de droit de recours se succéder d’années en années.

Depuis que le droit de recours existe, il est remis en cause et j’ai envie de dire que c’est bien la preuve qu’il est indispensable ! Parce que si les lois étaient parfaitement respectées et que tout le monde s’efforce de les appliquer aussi rigoureusement que possible, il n’y aurait jamais de recours et il n’y aurait donc pas non plus de contestation de ce droit. Si ce droit est remis en cause, c’est qu’il y a souvent ignorance du droit de l’environnement, quelquefois volonté de n’en pas tenir compte.

Dans les deux cas, le droit de recours des organisations permet de rétablir le droit, de demander l’application de la loi, d’une loi qui a été votée par le Parlement, parfois par le peuple lui-même et qui devrait donc toujours être appliquée automatiquement… Ce droit de recours est donc garant de l’application du droit et donc du respect de la démocratie.

Si les radicaux zurichois ne veulent pas appliquer le droit de l’environnement, qu’ils le trouvent trop sévère, ils ont la possibilité de demander la révision des lois qui ne leur conviennent pas. Ce serait une procédure démocratique et tout à fait acceptable, mais demander que l’on n’applique pas une loi ou tout faire pour qu’elle ne soit pas appliquée, c’est le contraire de la démocratie. C’est le règne de l’arbitraire !

Il est vrai que quand elles ont reçu ce droit, les organisations de défense de l’environnement ont dû apprendre à l’utiliser. Peut-être ont-elles parfois déposé des recours de petite importance, mais elles ont rapidement élaboré une stratégie d’utilisation de ce droit. Elles ont fixé des critères selon lesquels elles estimaient utile ou non de déposer un recours. Elles ont offert à leurs employés des cours de droit et on peut dire aujourd’hui que ces stratégie existent et que les employés des ONG sont très bien formés en droit. Les recours qu’ils déposent sont toujours fondés, obéissent à des critères de priorités et nous en avons la preuve par le très haut taux de réussite qu’ils obtiennent.

En ce qui concerne Neuchâtel, j’ai été secrétaire générale du WWF durant 14 ans. J’ai déposé deux recours, l’un pour exiger du canton la protection des zones tampon des tourbières, que la Confédération exigeait et l’autre pour empêcher une construction importante dans une forêt. Les deux sont allés au Tribunal fédéral et je les ai gagné les deux. Mon taux de réussite est donc de 100% et ce n’est pas un hasard.

Outre le fait d’éviter la destruction de milieux naturels importants, le droit de recours a aussi un effet préventif.

Le simple fait de déposer une opposition à une construction ou à un aménagement qui menace des milieux naturels, permet de rentrer officiellement en discussion avec le maître d’œuvre et de chercher ensemble des solutions qui préservent à la fois la nature et ses intérêts et c’est très souvent possible. Quand le maître d’œuvre ne connaît pas bien le droit de l’environnement et ignore que son travail met en danger des biotopes ou des éléments de la faune, il accepte de discuter dans cette première phase et de modifier son projet. A ce stade, une modification est en principe facile et ne fait perdre ni temps, ni argent.

Parfois, sachant qu’il va toucher un milieu naturel, il prend directement contact avec les organisations dans une phase de projet encore plus précoce et intègre les conseils qu’il reçoit dans son projet, ce qui lui permet même d’anticiper toute opposition.

Enfin, parce qu’ils savent qu’il peut y avoir un recours, les services de l’Etat, comme les privés hésitent à violer la loi et prennent des mesures en faveur de la nature, même s’ils ne sont pas enthousiastes.

En 14 ans de négociations avec les privés et les services de l’Etat en matière de protection de la nature, je peux dire que l’usage ou la menace du droit de recours a eu un effet très positif. Beaucoup ont appris à connaître le droit de l’environnement, d’autres ont appris à entrer en négociations avec les ONG dès une phase d’élaboration de projet précoce pour éviter tout problème ultérieur.

Même si tout le monde n’est pas devenu un spécialiste de l’environnement, tout le monde sait au moins aujourd’hui que la protection de l’environnement est une variable qu’il faut prendre en compte dans l’élaboration d’un projet et que certaines règles doivent être respectées dans ce domaine comme dans d’autres d’ailleurs.

Le droit de recours est destiné à être de moins en moins utilisé, car l’ignorance recule et la conscience de l’environnement progresse, mais il reste cependant un rappel efficace pour  tous les chefs de projet.

L’environnement aurait beaucoup à perdre de l’acceptation d’une telle initiative. Le droit et la démocratie aussi. Le côté bâtard de la formulation du texte n’échappe à personne. Il permettrait au peuple d’une commune de ne pas appliquer une loi fédérale…  Nous ne serions plus dans un état de droit. Comment peut-on ignorer à ce point ce qu’est un état de droit !

Je pense qu’aujourd’hui la conscience environnementale des Suissesses et des Suisses est forte et que leur attachement à la beauté de nos paysages et de notre nature est suffisante pour qu’ils ne laissent pas faire des projets particulièrement destructifs pour l’environnement.

Sans droit de recours, les ONG mobiliseraient la population dans de grandes manifestations, c’est ce qui se passait autrefois et la nature redeviendrait un enjeu politique majeur, qui profiterait certainement à l’avènement des Verts de tous bords ! C’est la seule chose qui me fait sourire dans cette initiative. Je pense que les radicaux zurichois n’ont pas mesuré cet effet…

23 organisations sont membres de l’association NON à l’initiative du PRD zurichois. Les grands distributeurs s’en sont distancés. Le fameux stade de Zürich qui avait mis le feu au poudres est toujours bloqué aujourd’hui, non pas par l’ATE, mais par les riverains et une banque… Cette initiative ressemble plus à une crise d’urticaire qu’à une réflexion politique.

La nature ne peut pas se défendre toute seule. C’est pour cette raison que le Conseil fédéral a permis aux organisation de défense de la nature et du patrimoine, d’importance nationale de demander à la justice de se prononcera. Nous avons voulu préserver les bases de notre vie par ces dispositions. Elles ont toujours la même valeur aujourd’hui.

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