Taux de conversion dans la LPP

Le Conseil des Etats a refusé la baisse du taux de conversion lors de notre session d’été 2007.  A cette époque-là, une baisse ne se justifiait d’aucune manière. Nous avions déjà prévu une baisse du taux en raison de l’allongement de la durée de la vie, or la durée de la vie ne s’est pas encore allongée durant ces quelques années. Ce motif n’existe donc tout simplement pas. La baisse déjà décidée est suffisante pour tenir compte de ce critère et nous avons même encore de la marge. En outre, les revenus des placement étaient à ce moment-là plutôt bons et ne justifiaient donc pas non plus une baisse du taux.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation un peu différente, puis que nous sommes en train de nous débattre dans une crise financière mondiale, qui se doublera très probablement assez rapidement d’une crise industrielle. Il est donc utile de réexaminer la situation à la lumière de la nouvelle donne.

La première chose que je voudrais dire cependant, c’est que ce qui fausse toute la discussion, c’est la présence des grandes assurances sur le marché de la prévoyance professionnelle. Même si leurs comptes sont actuellement un peu plus transparents que ce qu’ils ont été ces années passées, ils ne le sont de loin pas suffisamment pour que nous puissions avoir confiance dans les chiffres qu’elles présentent. Or si nous fixons un taux de conversion trop bas, les assurances ont les moyens de facturer des frais de toutes sortes aux caisses de pension pour s’octroyer une partie importante du bénéfice des caisses et ça, c’est insupportable pour les assurés. Si les assureurs n’étaient pas présents sur ce marché et que les caisses aient par conséquent des comptes tout à fait transparent, cette question serait moins aigüe, parce que l’on pourrait être sûrs que l’argent reviendrait en définitive aux assurés. Actuellement on n’en est pas sûr du tout. On peut même être assez sûr que ce n’est pas le cas. Il faut donc que l’on résolve une fois pour toute cette question et qu’on n’accepte plus la présence des assureurs dans la prévoyance professionnelle obligatoire ou alors qu’on exige une totale transparence. Je pense que nous ne pouvons pas faire l’économie de cette réflexion. Le Conseil national s’est aussi penché sur cette question et j’estime qu’il est nécessaire d’établir la transparence dans ce domaine avant de parler de diminution du taux de conversion.

Actuellement, les caisses autonomes ne sont pas en difficultés. Leur taux de couverture est tout à fait suffisant. Elles sont d’une manière générale dans une situation bien meilleure que pendant la précédente crise en 2000-2003. Peut-être faudra-t-il réviser ce jugement dans quelques mois, au vu de la situation sur le marché mondial, mais pour le moment ce n’est pas le cas. Baisser ce taux n’est donc pas urgent.

En réalité, ce sont les assureurs qui poussent à la diminution du taux de conversion, afin d’augmenter leurs bénéfices au détriment des assurés. Les assurés sont en train de perdre confiance dans le deuxième pilier. Le mal est déjà fait en grande partie depuis la crise des caisses de 2002. Ils ont déjà perdu confiance dans les assureurs et à mon avis à juste titre. Je préside moi-même une caisse de pension qui était gérée par un assureur particulièrement peu transparent et qui suite à cela a décidé de devenir autonome.

Je vous propose donc de ne pas entrer en matière sur la question de l’abaissement du taux de conversion pour le moment. Nous avons le temps d’attendre et de nous consacrer à l’examen de la transparence dans la répartition des bénéfices. Quand cette question sera résolue, alors, la situation sera assainie du point de vue juridique et nous pourrons parler du taux de conversion de manière beaucoup plus sereine.

Ce que je veux, en ce qui concerne les assureurs, c’est une séparation claire entre leur fortune et celle des caisses de pension, une transparence totale de l’administration des caisses et une attribution correcte des bénéfices des caisses aux caisses elles- mêmes.

Il ne faut donc pas entrer en matière pour le moment. Nous avons déjà décidé de descendre à 6,8% jusqu’en 2014. Il ne faut donc pas encore décider une descente encore plus importante avant cette date. Le Conseil fédéral préconise maintenant de descendre à 6,4% en 2013. Il ne faut en tout cas pas imaginer une nouvelle descente avant cette date de 2014. Ce point de vue avait déjà été soutenu aux Etats par Mmes Saudan et Forster, ainsi que par MM Schwaller et David. Si nécessaire, on pourra reprendre la discussion en 2012, refaire une analyse et voir si une nouvelle baisse se justifie.

Il ne faut pas oublier que derrière ces baisses, il y a des gens et des gens dont les revenus ne sont pas toujours très importants et pour qui 200.- de plus ou de moins chaque mois, ça compte.

Encore un mot en ce qui concerne le taux de rendement. M. Couchepin a évoqué devant le Conseil national qu’il fallait le considérer sur le long terme .  Je partage cet avis, or sur le long terme, nous avons toujours réussi à maintenir un taux de 4%. Et nous y arriverons probablement encore dans les années à venir. Il ne faut pas se fonder uniquement sur les obligations de la Confédération, dont le rendement est bas pour évaluer les taux de rendement possibles, mais sur l’ensemble des placements en obligations, en actions et en immobilier.

Des rendements de 2,5% correspondent peut-être aux obligations à 10 ans de la Confédération, or chacun sait que les caisses de pension et les assurances ne placent pas tout en obligations, mais font un mélange entre actions, obligations et immobilier. De 1985 à 2003,  le rendement annuel moyen d’un portefeuille contenant 25% d’actions et 75% d’obligations a été de 6,25%, celui des actions étant de 10,2% et celui des obligations de 4,9%. Je ne parle même pas d’un placement dans l’immobilier, qui est sûr et se situe entre les actions et les obligations.

Depuis le début des années 90, les caisses diversifient leurs investissements pour optimiser leur rentabilité à  long terme. Une grande partie des institutions de prévoyance possèdent une part de leur fortune d’environ 20 à 40% en actions.

On ne peut donc fixer le taux d’intérêt technique en ne prenant en considération que les seules obligations et on ne peut pas ne se référer qu’au court terme. En admettant que le tiers des placements du 2ème pilier s’effectue en obligations, le tiers en actions et le tiers en immobilier, on peut admettre que le rendement sera sans problème de 4,5%, ce qui justifie le maintien du taux d’intérêt technique à son ancien niveau de 4%.

Selon des experts romands, en appliquant les tables actuarielles les plus récentes et en maintenant le taux d’intérêt technique à 4 %, le taux de conversion baisse de 7,2 % (niveau historique) à 7,0 % environ, soit de 2,8 %, alors que le Conseil fédéral se propose de le descendre à 6,4 %, ce qui correspond à une réduction de 11,1 %.

Les partisans d’un taux d’intérêt technique bas sont influencés par un courant de pensée anglo-saxon qui dit que l’assureur doit limiter au maximum les risques en tablant sur une rentabilité annuelle proche de celle des emprunts d’Etat à 10 ou 15 ans. Si on peut admettre ce calcul pour les compagnies anglo-saxonne d’assurance sur la vie, qui doivent garantir leurs primes sur une longue durée tout en étant soumises à des règles de solvabilité particulières, elle n’est pas admissible dans le cadre de notre prévoyance professionnelle, qui est très différente

organisé juridiquement de manière très différente et financé en principe de manière collective.

 

La BNS prévoit une inflation de 2,5%, alors que le message du CF prévoit une inflation de 1,5%, ce qui veut dire que le message est construit sur des bases fausses et ne correspond pas à la réalité actuelle. Il faudrait donc l’enterrer dès aujourd’hui. Si on a une inflation de 2% et un rendement de 2,5%, on atteint les 4,5% et on n’a, une fois de plus, pas besoin de descendre le taux de conversion.

Si les caisses de pension sont favorables à une baisse, c’est que si leur performance est moindre, elles doivent moins travailler et elles peuvent piloter avec les pieds sur le guidon. Qui refuserait qu’on lui facilite le travail et qu’on exige moins de lui ?…

 

Art. 14

La compétence de la fixation du taux de conversion doit rester dans les mains du Parlement et ne pas être transmise au Gouvernement. Le parlement ne doit pas renoncer à ses responsabilités, car elles sont grandes dans ce domaine. Ce sont des milliards de francs qui sont en jeu, mais aussi la qualité de vie d’une partie toujours plus importante de notre population. La fixation de ce taux n’est pas qu’un acte technique, c’est aussi un acte politique, la preuve en est que les experts se contredisent et que les marges d’interprétation des critères décisifs sont considérables. Il faut donc se poser la question de savoir ce que l’on veut atteindre par la prévoyance professionnelle et s’assurer que l’on respecte bien les buts sociaux que le législateur lui avait confiés à l’époque. En outre, le CF ne souhaite pas jouer ce rôle, M. Couchepin l’a dit devant le Conseil national, parce que c’est un acte politique qui touche l’ensemble de la société et non pas un acte purement technique.

La suppression du taux de conversion serait imaginable si les caisses étaient toutes autonomes. Dans la situation actuelle, ce n’est pas envisageable, parce que ça laisse une latitude beaucoup trop grandes aux assureurs pour fixer les rentes qu’ils doivent verser. Ils auraient la possibilité de jouer sur ce taux et de verser des rentes inférieures aux rentes actuelles et de faire de très juteux bénéfices au détriment des personnes concernées. Ce serait vraiment inadmissible. Il faudrait de toute façon qu’il y ait un système de régulation. Quel devrait-il être ?

Ch. II bis

Proposition

La modification du droit en vigueur est réglée en annexe.

Annexe titre

Modification du droit en vigueur

Ch. 1 titre

  1. 1.   Loi fédérale du 17 décembre 2004 sur la surveillance des entreprises d’assurance (loi sur la surveillance des assurances, LSA

Art. 37, al. 1

Les entreprises d’assurance exerçant une activité dans le domaine de la prévoyance professionnelle sont tenues de créer une fortune liée particulière, ainsi qu’un fonds de sûreté particulier approprié, en vue d’assurer la couverture de leurs engagements dans le cadre de la prévoyance professionnelle. Elles en publient chaque année le bilan et le compte de résultat selon les principes de l’uniformité et de l’universalité (système brut).

Art. 37, al. 3

Le Conseil fédéral édicte des dispositions concernant :

  1. a.   La manière dont sont émises les informations émanant de la comptabilité séparée,
  2. b.   Les bases du calcul de la participation aux excédents
  3. c.   Abroger

Art. 37, al. 4

Les entreprises d’assurance couvrent en priorité les prestations légales et contractuelles à partir du compte d’exploitation et des réserves. Elles peuvent continuer de reverser un gain annuel de 6% au maximum sur le capital propre qu’elles ont apporté pour constituer le fonds de sûreté visé à l’alinéa 1, pour autant que la réserve de solvabilité dépasse le minimum légal exigible. La répartition des excédents est calculée en fonction du résultat de la comptabilité visée à l’alinéa 3.

Art. 37, al. 5

Si la comptabilité révèle une perte, aucune participation aux excédents ni aucune participation aux bénéfices de l’entreprise d’assurance n’est attribuée durant l’exercice comptable concerné (biffer le reste)

Art. 37, al. 6

La participation aux excédents doit être attribuée intégralement aux ayant-droit au plus tard au troisième trimestre de l’année suivante.

 

Mesdames et Messieurs,

Je vous propose ici une modification de la Loi sur la surveillance des entreprises d’assurance (LSA du 17.12.04). Comme vous avez pu le voir sur le PV du Conseil national, c’est la proposition qui a été faite au CN. C’est un premier pas vers la transparence des assurances et vers un meilleur contrôle de la répartition des excédents entre les assurés et les assureurs. Le règlement actuel de cette question ne permet pas un contrôle suffisant, par manque de transparence, ce qui laisse une grande marge d’appréciation à l’Office fédéral des assurances privées, qui jusqu’à maintenant ne s’est pas montré très critique envers les pratiques des assureurs. Il est temps que nous corrigions cette lacune, seule manière de redonner confiance aux assurés. C’est une manière de revenir à ce qui était la règle autrefois, à savoir l’attribution de la totalité des bénéfices des caisses de pension aux assurés et non pas leur redistribution aux dirigeants et aux actionnaires de l’assurance, car c’est bien cela qui s’est produit. Et maintenant, on demande une diminution des taux de conversion.

La modification que je vous propose est une solution modérée, à mi-chemin entre le modèle d’autrefois où tous les excédents revenaient aux assurés et le modèle d’aujourd’hui, où les excédents reviennent pour une part importante aux assureurs. Et c’est la raison pour laquelle on admet dans cette proposition que les actionnaires de l’entreprise peuvent avoir un rendement de 6% sur leur capital risque. Un rendement de 6%, c’est déjà très bien si on voit ce qui se passe aujourd’hui sur le marché des capitaux. Tous les excédents qui dépassent ces montants doivent être rétrocédés à la caisse de pension et à ses assurés. Et en plus de ces 6%, l’assurance peut encore encaisser des frais administratifs très élevés.

On demande que les entreprises d’assurance publient chaque année le bilan et le compte de résultat selon les principes de l’uniformité et de l’universalité (système brut) et ceci pour éviter les incohérences qui sont apparues lors de l’introduction de la legal quote, relevées par la CdG, certaines assurances pratiquant le système net, d’autres le système brut, que qui ouvre la porte à des interprétations erronées.

Cette solution est bien modérée et raisonnable. Elle est aussi susceptible de redonner confiance dans la gestion du 2ème pilier. Cette solution est souple et est aussi applicable en cas d’augmentation de la durée de la vie. C’est la seule manière de faire cesser le pillage des caisses de pension par les assurances et de redonner confiance aux assurés. Les assurés ne peuvent continuer à tolérer que l’on utilise leur argent pour enrichir des assureurs privés. Une diminution du taux de conversion, sans contrôle de la Legal Quote conduirait probablement la société civile à se saisir du référendum.

A mon avis, il faut d’abord s’occuper de la LSA et ensuite de la diminution du taux de conversion, ou éventuellement faire les deux en même temps aujourd’hui, sans quoi, le résultat ne sera pas acceptable.

M. Couchepin a dit au Conseil national que cette question méritait d’être discutée, mais qu’elle ne pouvait l’être rapidement en plenum. Nous sommes maintenant en commission et nous avons donc l’opportunité de discuter cela de manière approfondie et nous devons donc saisir l’occasion de le faire. Je suppose que depuis la dernière session, l’OFAS et l’OFAP ont pu être consultées sur ce sujet et nous pouvons donc mettre cette proposition en discussion aujourd’hui. Et peut-être pouvons-nous aussi savoir où en est la sous-commission qui discute de cette question aujourd’hui.

 

 

 

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