Recherche sur l’être humain

Monsieur le Président,

Monsieur le Conseiller fédéral,

Chers Collègues,

Ce projet touche à des aspects fondamentaux des droits humains et comporte des éléments particulièrement délicats.  Il nous revient donc de faire preuve de sensibilité et de prudence, mais aussi d’user d’une certaine précision. C’est la raison pour laquelle je me suis opposée à la version du Conseil national en commission. Je plaide aujourd’hui pour un article constitutionnel, peut-être un peu long pour la constitution, mais qui a l’avantage d’être assez précis et de montrer clairement l’importance du sujet et la direction que nous voulons prendre.

Notre commission avait demandé au Conseil fédéral de légiférer dans ce domaine suite à la discussion déjà difficile sur les cellules souches embryonnaires. C’est que cette question s’était déjà posée à l’époque et elle risque de se poser encore dans de nombreux autres cas. Il est donc utile de fixer un cadre solide et de pouvoir ensuite s’y référer quelle que soit la question qui se posera.

Il est nécessaire de légiférer au niveau national, parce que nous devons garantir le respect des droits humains dans le cadre de travaux de recherches de la même manière sur l’ensemble du territoire.  Il faut que les conditions de la recherche soient les mêmes pour tous et toutes dans notre pays et qu’elles soient transparentes.

Je suis donc favorable à une entrée en matière sur ce sujet. A la version du Conseil national, je préfère bien sûr celle de la Commission du Conseil des Etats, même si j’aurais voulu une formulation un peu plus prudente encore en ce qui concerne la recherche avec des personnes incapables de discernement. Néanmoins, je peux accepter la formulation retenue, avec les précisions que je vais donner maintenant.

Nous sommes dans un domaine où la dignité humaine peut se trouver en conflit avec la liberté de la recherche. Cependant, pour moi il va de soi que la dignité humaine est une valeur supérieure à la liberté de la recherche. L’article 7 de la constitution l’exprime clairement : la Confédération garantit le respect de la dignité humaine. Aucune recherche, aucun résultat aussi intéressant soit-il, ne doit être acquis au détriment de la dignité humaine. Chaque être humain est unique et a droit au respect inconditionnel de son intégrité physique et psychique. Je pense que ce respect de la dignité humaine est à la base de la réflexion tant du Conseil fédéral que de la Commission du Conseil des Etats.

Ce projet est donc globalement satisfaisant. Le fait par exemple que les chercheurs soient soumis au principe du consentement éclairé me semble aller de soi et être propre à rassurer en ce qui concerne les conditions éthiques de la recherche. De même en ce qui concerne la phrase qui dit qu’un refus est contraignant de toute façon.

L’alinéa 2c, qui autorise la recherche sur des personnes incapables de discernement , est particulièrement délicat et nécessite des précisions. Les personnes incapables de discernement, ce sont en particulier les personnes handicapées mentales, parfois les malades psychiques, mais aussi les enfants. Laisser une porte ouverte pose un problème éthique sérieux. Cet alinéa doit donc être interprété de manière restrictive. La volonté des personnes incapables de discernement doit être respectée, dans toute la mesure où elle peut s’exprimer, soit directement, soit par l’intermédiaire de directives anticipées ou des parents. En outre, il faut que la recherche sur des personnes incapables de discernement soit directement profitable soit à la personne elle-même, soit à un groupe de personnes présentant la même pathologie qu’elle.

Il me paraît inacceptable que l’on fasse de la recherche sur des personnes incapables de discernement, sans que cette recherche leur soit directement profitable à elles ou à un groupe de personnes qui présentent la même pathologie, ou sans tenir compte de l’avis exprimé, même indirectement. Pour moi les personnes handicapées mentales, les malades psychiques et les enfants qui sont en mesure de s’exprimer, ont aussi le droit de dire non, même sans raison apparente, et d’être entendus. Il en va du respect de la personne, de sa qualité de vie et de son bien-être.

La notion d’expertise indépendante du projet me paraît être très prudente, car elle permet d’éliminer des expériences qui pourraient être lourdes pour des personnes qui ne sont pas toujours en mesure d’évaluer les risques qu’elles prennent ou les désagréments qu’elles encourent.  Certaines personnes peuvent être d’accord de tester de nouveaux produits sans savoir exactement à quoi elles s’exposent.

Nous avons dû clarifier la portée de ce texte sur la recherche en sciences humaines. J’ai fait moi-même de telles recherches. J’ai utilisé des formulaires de consentement éclairé. J’ai ensuite anonymisé les réponses. Pour moi, cela fait partie de l’éthique et du respect de la personne. Je sais par expérience que cela rend les choses plus compliquées. Il faut expliquer les objectifs que l’on poursuit et obtenir un accord. Ca nécessite du temps, des explications et il se peut que finalement, on ne puisse pas utiliser des données qui paraissent intéressantes. Cependant je sais que c’est déjà comme cela que travaillent, dans toute la mesure du possible, les chercheurs en psychologie ou en sociologie et que cet article n’est pas trop contraignant pour eux. Il correspond à leur déontologie et laisse suffisamment de marge de manœuvre.

Pour toutes ces raisons, je vous propose, Chers Collègue, d’entrer en matière sur ces modification de la constitution.

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