Etat de la coordination romande dans le cadre de la RPT – assurance invalidité

Coordination des plans stratégiques latins

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je vous remercie de m’avoir invitée à participer à votre assemblée générale et de me donner ainsi l’occasion de retrouver des amis, et certains d’entre vous dont j’ai eu le plaisir de faire la connaissance dans le cadre de la campagne  contre la RPT que nous avons menée ensemble il y a quelques années!

Vous avez, je crois, choisi le bon sujet! C’est une excellente occasion justement de reparler de la RPT et de faire le point sur ce qui s’est passé ces dernières années dans le domaine de l’AI, de voir quelles expériences ont été faites et si les problèmes que nous prévoyions se sont produits.

Nous ne pouvons pas faire le bilan de la RPT puisqu’elle n’a pas encore déployé tous ses effets, mais nous pouvons déjà repérer quelques conséquences de son application.

Bien sûr, les cantons vont l’appliquer de manières diverses et le risque existe toujours que les personnes soient traitées de manière très différente d’un canton à l’autre. Le risque existe aussi toujours que les moyens qui étaient mis à la disposition par la Confédération ne soient pas mis à disposition pareillement par tous les cantons et que la tentation soit grande de faire des économies au détriment des personnes handicapées. Ce risque est d’autant plus grand qu’il est extrêmement difficile de savoir quels étaient les moyens à disposition du domaine du handicap auparavant et qui devraient être transférés maintenant. La Confédération fait un calcul général dans lequel se trouvent tant la nouvelle répartition des tâches, tous les domaines de la répartition des tâches et il y en a plusieurs dizaines, que les divers éléments de la péréquation et il ne m’a pas été possible jusqu’à aujourd’hui de savoir exactement ce qui devrait revenir précisément aux personnes handicapées de notre canton.

La première chose, c’est que nous pouvons dire que ce sujet nous a occupé depuis plusieurs années. Je l’ai traité des heures et des jours durant en tant que conseillère aux Etat. Il continue de nous occuper, vous, moi, mes services, la CLASS depuis des mois et ce n’est pas fini.

Mais maintenant que nous devons appliquer cette RPT, essayons de voir autant que possible les choses positives : il y en a au moins une ! C’est la chance qui nous est donnée aujourd’hui de repenser globalement toute la prise en charge des personnes en situation de handicap, d’analyser nos besoins et de mettre en place une planification coordonnée des prestations utiles, coordonnée à l’intérieur de chaque canton et coordonnée entre tous les cantons. Quels sont les besoins ? Comment pouvons-nous y répondre le mieux ? Qui peut y répondre le mieux ? Ce sont les questions que nous devons nous poser.

Cependant, mon exposé ne portera pas sur le plan stratégique neuchâtelois, qui sera bientôt prêt et pourra être remis à la Confédération, mais sur les liens constructifs qui se sont tissés depuis que les chefs des départements des affaires sociales de la Conférence latine ont pris conscience de l’importance d’une coordination des activités cantonales dans le  domaine de l’intégration des personnes en situation de handicap.

Comme vous le savez, avec l’entrée en vigueur de la RPT, chaque canton doit élaborer son plan stratégique au sens de l’article 10 de la LIPPI.

L’article 10, alinéa G de la LIPPI fonde ce lien indispensable entre les cantons et ce lien entre les cantons est important tant pour assurer une prise en charge optimale des personnes qui en ont besoin, que pour garantir une utilisation efficiente des ressources. En effet, les cantons n’ont pas tous les moyens d’offrir des prises en charge adaptées à tous les types de difficulté. Si l’on veut que chaque personne reçoive le traitement optimal, il faut répartir certaines spécialisations entre les cantons.

Les plans stratégiques doivent contenir une description détaillée du mode de coopération avec les autres cantons, en particulier dans les domaines de la planification des besoins, de manière à disposer de l’offre la plus adéquate possible, face aux nécessités de chacun, comme le stipule l’article 2 de la LIPPI qui dit que: « chaque canton garantit que les personnes invalides domiciliées sur son territoire ont à leur disposition des institutions répondant adéquatement à leurs besoins ».

Il n’est pas indiqué que l’on doit avoir, sur son territoire, toutes les institutions utiles, mais que l’on doit pouvoir mettre à disposition de tous les ressortissants du canton les institutions adéquates. C’est pourquoi il est indispensable de s’entendre entre cantons au sujet des plans stratégiques.

La RPT induit une nouvelle distinction entre les personnes invalides majeures et mineures. En effet, dans un but d’intégration aussi large que possible, les enfants sont considérés désormais comme des écoliers à besoins particuliers et les écoles spécialisées ressortent des départements de l’instruction publique, tandis que les institutions pour personnes majeures ressortent des départements des affaires sociales comme par le passé.

L’idée est bien sûr de favoriser les synergies entre l’école et les écoles spécialisées et par conséquent l’intégration des enfants handicapés dans des classes de l’école publique. Cette intégration devra se faire peu à peu, à mesure que les outils nécessaires à  l’accompagnement des enfants handicapés seront mis en place par l’école publique ou dans le cadre de l’école publique. C’est un travail de longue haleine, où il faudra faire preuve de nuances, de manière à toujours privilégier l’intérêt de l’enfant à être intégré totalement ou partiellement ou non. Pour évaluer cela aussi, il faudra mettre en place des instruments.

Ce changement de paradigme n’est pas aussi simple à mettre en œuvre que cela en a l’air, parce que dans de nombreux cas, les écoles spécialisées dépendent historiquement des institutions sociales et il s’agit donc d’introduire une double gouvernance dans des institutions qui dépendent désormais de deux départements différents. Cela pose une série de problèmes en cascade, problèmes auxquels vous avez pour la plupart déjà été confrontés : élaboration de budgets différents, conditions budgétaires différentes, salaires différents, etc.

Les cantons doivent offrir les prestations nécessaires à la prise en charge des handicaps reconnus par la Confédération…

L’accord-cadre de la CDIP (Conférence des directeurs de l’instruction publique), soit la convention qu’ont passé les départements de l’instruction publique ou de l’éducation entre eux, a prévu d’étendre cette liste aux handicaps sociaux. Les handicaps sociaux ont en effet été, dans une conception réjouissante de l’aide à l’intégration, ajoutés à la liste.

Ils ont considéré qu’une intégration réussie au sein de notre société passe par une maîtrise des apprentissages et une compensation de tous les types de handicaps, y compris les difficultés sociales.

Dans le domaine des adultes, la Confédération abandonne ses prérogatives au profit des cantons aussi. Les cantons doivent continuer à fournir les mêmes prestations que la Confédération pendant au moins trois ans. C’est une préoccupation de la Conférence des directeurs des affaires sociales et par conséquent de la Conférence latine, la CLASS.

Heureusement, la Constitution prévoit un garde-fous à l’article 197:

« Dès l’entrée en vigueur (…) de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, les cantons assument les prestations actuelles de l’assurance-invalidité (…) jusqu’à ce qu’ils disposent de leur propre stratégie (…), qui doit être approuvée, mais au minimum pendant trois ans ».

Il faut éviter autant que faire se peut l’émergence de 26 systèmes cantonaux totalement différents et non coordonnés, sans quoi l’un des principaux soucis que nous avions se concrétiserait. 26 systèmes il y aura, mais au moins faut-il les construire sur les mêmes bases et les coordonner.

La CLASS s’est préoccupée dès le départ d’accompagner cette réflexion pour aider à la création de cet indispensable lien entre les cantons. En 2006, elle a nommé un groupe de travail formé des principaux responsables des cantons, puis a suivi les travaux de ce groupe de chefs de service, en avalisant au fur et à mesure, les principes communs sur lesquels les cantons étaient d’accord.

Je vais passer en revue les principaux secteurs au sein desquels de grands progrès ont été accomplis en matière de coordination, de manière à créer ce lien entre les cantons.

Le premier principe a été de coordonner le réseau des institutions sociales de Suisse latine.

C’est grâce à cette décision que les plans stratégiques disposeront de contenus communs, facilitant les comparaisons, aussi bien en terme d’équipements que de procédures

Toute modification des plans d’équipement, sans sacrifier l’autonomie cantonale, fait maintenant déjà l’objet d’une communication officielle, concertée et discutée le cas échéant.

Le principe de la création d’institutions multicantonales, quand le besoin est reconnu mais est trop restreint pour justifier une institution spécifique dans chaque canton, est admis.

Les cantons latins se sont mis d’accord sur la possibilité d’ouvrir les institutions AI à des problématiques différentes.

Des institutions LIPPI peuvent admettre des non-rentiers AI, c’est-à-dire des personnes relevant d’autres problématiques, par exemple sociales, et des rentiers AI peuvent trouver place dans des institutions non-LIPPI. Cette ouverture est possible du fait que ce sont maintenant les cantons qui financent toutes les institutions, et non plus la Confédération. Elle assouplit tout le système et permet une évaluation plus fine de l’adéquation des prestations offertes à chaque personne.

Il s’agit ici de reconnaître une nouvelle problématique sociale, à savoir la difficulté de ranger un certain nombre de personnes dans des catégories bien précises. Nombre de personnes souffrant de problèmes de santé ne sont plus reconnues AI, nombre de personnes AI ont aussi d’autres problématiques sociales, etc.  Il s’agit donc de rechercher la meilleure prise en charge de la personne, quelle que soit sa problématique, plutôt que de ranger chaque personne dans une institution correspondant à son handicap reconnu.

Les cantons latins veulent se donner les moyens de faire une analyse fine des besoins, pour pouvoir faire une planification des institutions, qui réponde bien aux besoins des utilisateurs.

Pour cela, il faut évidemment faire une série de recensements. Ces recensements servent avant tout à permettre à chaque canton, puis aux cantons de manière coordonnée, d’agir de façon proactive, en prévoyant plus tôt qu’aujourd’hui, les mandats à octroyer aux institutions sociales pour demain.

Des données fiables sur les caractéristiques des handicaps et de l’évolution médico-sociale de l’invalidité, des chiffres et des considérations sur la demande, des indications quant aux capacités des institutions, permettent  d’anticiper, d’éviter les à-coups, de pérenniser l’action des institutions sociales, de former le personnel à temps, etc.

Dans les catégories de bénéficiaires prises en considération et analysées, la CLASS admet, toujours dans le double but de mieux répondre aux besoins des bénéficiaires de prestations et aux nécessités des cantons de taille moyenne ou petite, d’intégrer, outre les catégories de l’OFAS, les problématiques de dépendance et les difficultés sociales.

La CLASS admet aussi, dans un but de coordination, mais aussi en prenant acte de l’évolution des actions institutionnelles, d’ajouter au catalogue des prestations résidentielles reconnues au niveau intercantonal, les prestations ambulatoires.

Cette ouverture n’empêche pas les cantons de définir les limites de ce domaine, les missions ambulatoires des institutions devant être circonscrites aux missions pour lesquelles l’apport  du savoir-faire du personnel des institutions représente une réelle plus-value. Sans quoi, un mandat à un organisme offrant traditionnellement des prestations ambulatoires reste la norme.

Ce principe reconnu par la CLASS est aussi essentiel, dans le cadre du respect de l’usager.

La CLASS, mais vraisemblablement les autres cantons de Suisse aussi, veut éviter de séquencer l’existence des bénéficiaires de prestations dont la dépendance est telle qu’ils séjournent à vie dans une institution sociale

L’application pratique de cette disposition devra encore faire l’objet d’étude de détails, mais que le principe a été confirmé dans ce sens.

La CLASS souhaite y voir clair et disposer de données utiles à la gouvernance.

Outre les recensements déjà cités, essentiellement quantitatifs, il y aura également une analyse qualitative coordonnée des besoins au niveau du canton et au niveau intercantonal

Il y a une excellente solidarité entre cantons à ce niveau. Genève par exemple, mettra partiellement à disposition, son économètre spécialisé en statistiques sociales (prévisions des flux de personnes en situation de handicap), tandis que Vaud a mis à disposition son spécialiste de la planification des constructions

Après deux analyses fouillées, on s’achemine, par exemple, vers une décision latine quant à l’outil d’évaluation des besoins d’encadrement.

Il y a encore beaucoup de travail de coordination, même si les conditions du lien entre cantons sont maintenant bien institué

Il y a quelques bons exemples comme ceux de la reconnaissance des institutions sociales, qui devrait être homogène entre les cantons, des actions de surveillance, qui devraient être communes pour faciliter les comparaisons, des exigences en matière de qualité, quand il faudra remplacer celles de l’OFAS.

Il faudra aussi trouver une logique commune concernant les obligations des cantons à disposer de procédures en cas de conciliation (selon l’art. 10 LIPPI), que ce soit dans le cas de litiges au sujet du placement (décisions cantonales contestées par les bénéficiaires de prestations) ou dans le cas de différends entre le bénéficiaire de prestations et l’institution sociale. Ces procédures de conciliations doivent être claires et cohérentes, pour les bénéficiaires comme pour les institutions ou les cantons.

Le groupe de travail GRAS-RPT travaille en ce moment sur des principes de financement aussi communs que possibles, ne serait-ce que pour des raisons d’équité. Qui doit payer quoi ? Que doit-on comprendre dans les prix de placement ?

Il est nécessaire de passer au plus vite à des contrats de prestations avec les institutions, qui définissent selon un même canevas intercantonal, les objectifs attendus des institutions et les moyens accordés pour y parvenir.

Il est vrai qu’il n’est pas toujours agréable d’être et de pouvoir être comparé, parce que cela peut remettre en question des modes de faire, une efficience, mais cela contribue aussi à rendre crédibles les dépenses qui sont faites dans le domaine social et qui sont aujourd’hui souvent contestées.

Nous avons déjà parcouru un bout de chemin pour concrétiser les efforts faits en matière de coordination entre cantons. Nous avons créé les conditions d’un lien profitable aux bénéficiaires de prestations comme aux institutions sociales

–          En 2006, il a fallu s’approprier les principes généraux de la LIPPI; ce fut un changement de paradigme pour certains cantons

–          En 2007, il a fallu décider en quoi les cantons souhaitaient préserver leur autonomie, se lier pour travailler ensemble ou s’obliger à des dispositions communes

–          En 2008, il a fallu chercher le plus petit dénominateur admissible par chacun.

–          Et sur ces base, en 2009, chacun a terminé ou est en train de finir la rédaction de son plan stratégique. Symboliquement, les plans de Suisse latine seront envoyés de manière coordonnée, pour souligner le lien entre cantons.

En conclusion, je dirai que la Suisse latine a tenté de contrer le problème énoncé dans le cadre de la consultation sur la RPT en coordonnant au mieux son action.

J’ai la certitude que ces liens sont indispensables, qu’ils participent à l’équité dans la prise en charge des personnes handicapées et favorise une prise en charge bien ciblée, correspondant aux besoins et diversifiée.

 

 

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