Fête du 1er août au Landeron

Chères Concitoyennes, Chers Concitoyens, Chers Amis du Landeron et d’ailleurs, qui fêtez ce soir avec nous,

Je suis très heureuse d’être ce soir au Landeron et de fêter avec vous, dans votre charmant petit bourg, une fête qui nous est commune. Une fête qui est celle de la communauté suisse, mais aussi de la communauté locale. Nous n’avons jamais voulu en Suisse une fête nationale qui se fête par un défilé militaire sur la place fédérale. Nous avons toujours voulu des fêtes décentralisées, parce que ce que nous voulons fêter, c’est notre attachement à notre coin de pays en même temps qu’à notre pays tout entier.

Qui sommes-nous ? Nous qui sommes ensemble ici ce soir pour fêter la création de la Suisse. Qui sommes-nous, nous,  Neuchâteloises et Neuchâtelois, Suissesses et Suisses d’origine ou de coeur ? Comment sommes-nous arrivés ici ? Comment avons-nous construit ensemble ce pays que nous aimons ?

Il était une fois, il y a plus de 700 ans, trois Suisses qui se sont unis sur une prairie au Grütli. Walter Fürst, Werner Stauffacher et Arnold de Melchtal ont signé le pacte du Grütli, pour se prémunir de la « malice des temps et de la puissance du prince », ont-ils écrit. Il s’agissait donc essentiellement d’un acte de solidarité, mais aussi d’un acte de liberté. La solidarité et la liberté ont été les deux valeurs qui ont été à l’origine de notre pays. La Suisse, contrairement à bien d’autres pays, s’est créée par un acte volontaire. Les Suisses ont voulu vivre ensemble et construire ensemble leur Etat. Contrairement à beaucoup d’autres pays, ce n’est pas un prince qui nous a conquis et par là imposé de vivre ensemble.

On pourrait croire aujourd’hui que ça allait de soi. La Suisse paraît si lisse, vue de l’extérieur ! Eh bien non, vous le savez bien, c’est comme dans les meilleures familles, il y a eu bien des conflits tout au long de notre histoire. En d’autres termes, la Suisse ne s’est pas faite aussi facilement que ça. Il a fallu intégrer des populations qui avaient des origines bien différentes, des cultures bien différentes. Les cantons qui se sont peu à peu joints à la Confédération avaient sans doute des valeurs ou des intérêts communs, mais ils avaient aussi des langues et des religions différentes.

Il a fallu apprendre à vivre ensemble, apprendre à tenir compte des autres, de leur sensibilité, apprendre à se respecter malgré les différences, à laisser une place aux minorités. Pour y arriver, nous avons mis au point toute une série d’instruments démocratiques. S’il faut en citer quelques-uns, je parlerais du fédéralisme, de l’autonomie communale et des instruments de démocratie directe, comme l’initiative et le référendum, que vous utilisez certainement aussi souvent et qui vous permettent d’aller de temps en temps aux urnes pour exprimer votre pensée sur les sujets qui nous préoccupent tous et toutes, et enfin aussi, vous seriez sans doute étonnés que je l’oublie, un instrument de rééquilibrage entre les grands et les petits cantons, le Conseil des Etats. Tous ces outils nous ont permis de vivre ensemble au cours des siècles.

La Suisse connaît la diversité et sait vivre avec. Il faut dire que nous sommes au coeur du continent et qu’à ce titre, nous avons toujours été traversés par des voyageurs, qui nous ont apporté leur regard sur notre pays et sur le leur. Parfois, ils se sont arrêtés chez nous.

Il y a eu des marchands, des compagnons, venus de toute l’Europe pour apprendre leur métier chez nous. Il y a eu les réfugiés huguenots de l’édit de Nantes, les rescapés de la Révolution française, les traînards oubliés par les armées de Napoléon. Il y a peut-être eu des Prussiens, qui venaient prendre l’air de leur fief et qui restaient.

Puis il y a eu des travailleurs, des constructeurs, venus d’Italie, d’Espagne ou du Portugal, qui ont bâti nos villes, creusé nos tunnels et qui ont aimé notre lac et nos sapins. Enfin, il y a eu les réfugiés des pays de l’Est, puis de l’ex-Yougoslavie chassés par la guerre et ceux d’autres pays plus lointains, qui fuient les troubles sociaux et politiques, la misère ou l’injustice.

Nous sommes partenaires de ce monde et nous ne pouvons pas rester indifférents à ce qui  se passe autour de nous. Nous avons la chance d’être en paix. La guerre est ailleurs.

Je souhaite que nous prenions clairement le parti de la paix, que nous luttions contre la violence, contre la pauvreté, contre les catastrophes écologiques, qui jettent sur les routes des milliers de personnes en détresse. Notre principal ennemi, c’est l’indifférence.

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde en crise. Des milliers de gens connaissent le chômage sur tous les continents. Chaque jour, des parents des amis craignent pour leur travail ou le perdent, à côté de chez nous. Je voudrais que nous ayons une pensée pour eux ce soir. Je voudrais que nous nous souvenions de la solidarité de nos ancêtres.

Le préambule de la constitution fédérale dit tout ce qu’il faut dire dans ce domaine. Je vous en cite quelques passages :

Le peuple et les cantons suisses,

Conscients de leur responsabilité envers la création,

Résolus à renouveler leur alliance pour renforcer la liberté, la démocratie, l’indépendance et la paix dans un esprit de solidarité et d’ouverture au monde,

Déterminés à vivre ensemble leurs diversités dans le respect de l’autre et l’équité,…

Sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres,

Arrêtent la constitution que voici.

J’espère que nous nous rappellerons de ce message universel lorsque nous devrons voter le financement de l’assurance invalidité le 27 septembre prochain ou la révision de la loi sur le chômage au Parlement !

Ce qui fait de nous des Neuchâteloises et des Neuchâtelois, des Suissesses et des Suisses, ce sont nos valeurs communes de solidarité et de liberté. C’est ça qui fait notre identité et nous ne devons pas avoir peur de la perdre. La Suisse change, c’est vrai. Certains voudraient qu’elle reste toujours pareille, mais c’est un rêve irréaliste. En fait, elle a toujours changé. Au carrefour de toutes les cultures, il ne peut pas en être autrement. Malgré cela, notre identité est forte et elle nous survivra.

Fêter le 1er août, c’est réaffirmer notre conviction que nous avons aussi un projet commun, la Suisse, et que nous pouvons, aussi différents que nous soyons,  apporter notre contribution à la construction de notre avenir commun.

Je vous souhaite une belle soirée.

 

 

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