HNE: Interview pour Le Temps

GISELE ORY CONSEILLERE D'ETAT NEUCHATEL

Photo: Le Temps

LE TEMPS (édition du sam. 16 janvier )

L’avertissement de Gisèle Ory à Hôpital neuchâtelois

Pierre-Emmanuel Buss

La ministre socialiste se donne jusqu’en avril pour trouver une issue dans l’épineux dossier hospitalier. Sa nouvelle position crée des tensions avec le conseil d’administration de l’établissement cantonal unique.

Ne vous fiez pas à son sourire. Gisèle Ory est une femme de tête qui a horreur de se faire marcher sur les pieds. Entrée en fonction il y a six mois, la ministre socialiste de la Santé a mis un peu de temps à prendre ses marques. Cette «phase de rodage» terminée, elle s’est attelée à son grand défi, débloquer la réforme hospitalière d’ici au mois d’avril (LT du 08.01.2010). Mise sous pression par trois initiatives populaires, la magistrate chaux-de-fonnière a pris le contre-pied du précédent gouvernement pour la localisation de la future unité mère-enfant (qui restera à Neuchâtel) et quant à la contrepartie à offrir à l’Hôpital de La Chaux-de-Fonds (le Centre locomoteur cantonal ne suffit pas). Quitte à froisser la direction et le conseil d’administration d’Hôpital neuchâtelois (HNe), qui travaillaient sur ce scénario depuis près de deux ans.

Le Temps: Vous avez constitué un groupe de pilotage composé de trois conseillers d’Etat, de représentants des villes, du Grand Conseil et des comités d’initiatives. Il ne comprend aucun membre d’HNe. Est-ce une façon de marquer la prééminence du politique face à une logique managériale?

Gisèle Ory: Oui, car la répartition des missions que nous définirons devra être avalisée par le Grand Conseil. Cela nécessite une acceptation large. J’ai aussi la volonté de ne pas mélanger les niveaux de décision. La stratégie hospitalière est de la compétence du politique. HNe s’occupe uniquement de l’opérationnel. Ses représentants ne peuvent pas faire partie d’un groupe qui décide ce qu’ils devront faire dans le futur. Cela dit, il y aura bien sûr une collaboration entre les deux
niveaux.

– Les conseils d’administration du Centre neuchâtelois de psychiatrie et de Nomad (soins à domicile) ont été nommés ou confirmés fin 2009. Ce n’est pas le cas d’HNe. Faut-il y voir là une menace pour son président, Jean-Pierre Authier?

– La nomination du conseil d’administration se fera prochainement. A l’heure actuelle, il n’y a pas de rupture de confiance. Mon objectif est de travailler main dans la main avec eux, avec leur plein soutien. S’ils ne sont pas à l’aise avec les options prises, ils doivent en tirer les conséquences. La balle est dans leur camp. A eux de dire s’ils veulent continuer.

– Le directeur général d’HNe, Pascal Rubin, fait l’objet de vives critiques de la part du Parti socialiste. Les comprenez-vous?

– Je reconnais les qualités de gestion de M. Rubin. Sa gestion du personnel est assez dure, ce qui est sans doute nécessaire pour réformer un aussi grand navire. La pression du temps ne lui a en outre pas permis d’entendre tout le monde, ce qui a créé des tensions. Le PS attend de la direction d’HNe qu’elle s’implique plus pour sortir de l’impasse actuelle. Nous verrons comment elle collabore avec le groupe de pilotage.

– Le Parti socialiste reproche aussi à la direction de vouloir démanteler l’Hôpital de La Chaux-de-Fonds au profit de l’Hôpital Pourtalès de Neuchâtel…

– C’est un sentiment très fort à La Chaux-de-Fonds! Pas seulement au sein du personnel de l’hôpital, mais aussi en ville et dans les milieux politiques. C’est très difficile de se faire une opinion sans avoir de chiffres. Avant Noël, j’ai demandé à HNe qu’il me fournisse les chiffres sur les investissements réalisés ou le nombre de licenciements prononcés sur les deux sites. Cela me permettra de me faire une idée précise de la situation.

– Est-ce indispensable de maintenir des soins aigus sur les deux sites, avec un service d’urgence et de garde anesthésique 24h/24h?

– La loi sur l’Etablissement hospitalier multisite (EHM) impose un certain équilibre entre les deux hôpitaux principaux du canton. Avec des soins aigus sur un seul site, nous aurions un hôpital principal et un hôpital secondaire. Si le Grand Conseil désire un tel scénario, il devra modifier la loi. Nous ne sommes pas dans cette logique… Il est en outre nécessaire de trouver un certain équilibre pour permettre le retrait de l’initiative populaire socialiste. Je me suis engagée à y parvenir pour éviter un vote Haut vs Bas.

– Le maintien de soins intensifs sur les deux sites se justifie-t-il?

– On devra le définir. Peut-on faire des opérations lourdes sans soins intensifs à proximité immédiate? Je ne sais pas si c’est possible ou pas. Cette question devra être tranchée avec le corps médical.

– Un scénario présenté lors des états généraux de la santé propose de donner à La Chaux-de-Fonds l’ensemble de la chirurgie généraliste et la traumatologie comme contrepartie à la fin de ses activités dans le domaine mère-enfant, le 22 mars prochain. Etes-vous séduite?

– C’est une piste très intéressante qui doit être approfondie. Il faut étudier ce que cela représente en termes de volume d’activité et d’attractivité médicale. Et se demander quelle sera la situation dans quatre ou
cinq ans.

– Vous prônez l’équilibre entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds. Ne faut-il pas regarder plus loin avec la perspective de l’ouverture des frontières cantonales, en 2012?

– C’est déjà le cas aujourd’hui, avec des cas que nous dirigeons vers les hôpitaux de Berne et Lausanne. Ces prochaines années, il faudra aller plus loin en appliquant cette logique pour des domaines moins pointus. Il faudra trouver des accords avec les hôpitaux des cantons limitrophes, voire avec la Franche-Comté. On peut imaginer qu’HNe réduise son offre pour investir dans des activités où ses compétences sont reconnues. Prenez l’exemple de la chirurgie orthopédique. Avec la concurrence croissante de Bienne et Yverdon, il faudra définir si on continue ou non à investir dans ce domaine. / peb

 

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