Mesures contre la pénurie de médecins

Il faut s’inquiéter en effet d’un risque de pénurie de médecins, et en particulier de médecins généralistes dans notre canton. Nous observons que les médecins généralistes en cabinet ont une moyenne d’âge de plus de 55 ans. Des conséquences sont déjà perceptibles dans l’organisation des activités de garde dont les médecins de plus de 60 ans peuvent être libérés.

Cette situation aurait pu être due au gel des admissions, en vigueur depuis 2002. Le gel des admissions avait pour but d’empêcher une vague de médecins en provenance de l’Union européenne de s’installer chez nous en pratique privée suite à l’acceptation de la libre circulation des personnes, ceci dans le souci d’une maîtrise des coûts de la santé, sachant qu’un nouveau cabinet médical génère des coûts de 500’000.- environ par an, à la charge de l’assurance maladie. Cette cause ne peut cependant pas expliquer la pénurie neuchâteloise, car le DSAS n’a jamais refusé une installation à un médecin généraliste.

Le renouvellement se fera donc en peu d’années et il faudra trouver rapidement les médecins nécessaires Ce ne sera  probablement pas facile, en particulier dans les régions rurales ou décentrées, souvent moins prisées par les jeunes praticiens, du fait des horaires de travail et des systèmes de garde plus contraignants.

Le Conseil d’Etat est donc d’avis qu’il faut prendre ce problème en mains. Cependant, cela n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît, car le Conseil d’Etat est pris entre deux contraintes : d’une part la médecine est une profession libérale et l’on ne peut obliger un médecin à s’installer dans notre canton et d’autre part, un certain nombre de compétences appartiennent à la Confédération ou aux autres cantons.

La stratégie de lutte contre la pénurie de médecins généralistes doit cibler plusieurs niveaux :

  • Au niveau national d’abord:

Le premier point concerne la formation. Nous formons chaque année environ 700 médecins en Suisse, alors qu’il en faut 1200 pour remplacer ceux qui s’en vont. C’est donc très insuffisant. Cependant, le coût de la formation des médecins explique la réticence des cantons universitaires. Si nous voulions former tous les médecins dont nous avons besoin, places à l’université, en stage et dans le domaine de la recherche comprises, il faudrait investir environ deux milliards de francs de plus par an. On mesure donc l’ampleur du problème. Les cantons universitaires en sont conscients et vont probablement faire quelques efforts, mais il faut s’attendre à ce qu’il soit progressifs. Ce ne sont pas les étudiants intéressés qui manquent : en fait c’est la sélection qui est très rude. Il existe en Suisse alémanique un système de numerus clausus très restrictif et en Suisse romande, un taux d’échec très important en première année, qui joue le même rôle. En attendant, nous comptons sur les pays étrangers et nous faisons venir les médecins manquants de l’Union européenne. 60% d’entre eux viennent d’Allemagne.

En ce qui concerne plus spécifiquement les médecins généralistes maintenant. Il est vrai que la profession n’est pas suffisamment attractive par rapport aux spécialités : les tarifs médicaux, négociés entre les médecins et les assureurs doivent mieux tenir compte des prestations fournies par les généralistes, de manière à ce que le revenu des généralistes soit comparativement plus élevé. En effet, actuellement la distance se creuse entre les revenus de certains spécialistes et ceux des généralistes. Cette distance devrait au contraire diminuer. Les revenus des médecins généralistes augmentent moins rapidement que ceux des spécialistes. En effet, depuis 2000, les revenus des médecins généralistes ont progressé de 1% par année en moyenne, tandis que ceux des spécialistes se sont davantage.

Les horaires et les gardes semblent aussi être parfois très lourds.

Enfin, en ce qui concerne les activités accessoires à la médecine générale, telle que la pro-pharmacie ou le laboratoire, le Conseil d’Etat, soucieux des primes que paient les Neuchâtelois et les Neuchâteloises, ne peut pas souscrire pour l’une à une incitation à prescrire plus et pour l’autre à des tarifs comparativement élevés… Le Conseil d’Etat n’a donc pas l’intention d’introduire la pro-pharamacie à Neuchâtel, alors que le reste de l’Europe estime cette pratique contraire à l’éthique, même si elle permet aux médecins de certaines régions de Suisse alémanique d’arrondir considérablement leurs revenus. L’effet des nouvelles listes de prix des examens de laboratoire devra être évalué à la lumière de l’expérience. A priori, les nouvelles listes tiennent compte des analyses nécessaires au cabinet généraliste et ne devraient pas gêner le médecin dans l’exercice de sa profession. Ce n’est donc pas là qu’il faut agir prioritairement.

Les actes médicaux liés à la profession de généraliste doivent être mieux reconnus dans le tarmed. Les sociétés de médecins généralistes et Santésuisse doivent revoir ces évaluations et revaloriser les actes médicaux liés à la médecine générale.

En ce qui concerne le gel des admissions, article 55a de la Lamal, le Parlement vient de faire un pas dans la bonne direction : les généralistes ne seront désormais plus soumis au moratoire et pourront s’installer librement jusqu’à fin 2011, date à laquelle le Parlement devrait avoir trouvé une autre solution que le moratoire.

  • Sur le plan intercantonal ensuite:

Le Conseil d’Etat est convaincu que pour être efficace, les actions doivent être sinon conduites, tout au moins coordonnées au niveau intercantonal. L’un des diagnostics que l’on peut faire, c’est que la pénurie vient aussi de l’insuffisance des possibilités de formation en hôpital et en cabinet. Sur cet élément, nous pouvons agir.

Ainsi, d’une part, le canton de Neuchâtel participe activement à renforcer l’attractivité pour cette discipline en participant au « Programme latin d’assistanat en cabinet« . Ce programme, qui réunit tous les cantons romands, s’attache à prévenir la pénurie de médecins de premier recours. Il crée des places de stage et favorise la qualité de la formation par une coordination et une harmonisation des outils pédagogiques. Le projet favorise en outre la décentralisation de la formation dans les régions périphériques.

D’autre part, toujours dans le domaine des collaborations intercantonales, nous soutenons financièrement le « Cursus Romand de Médecine générale« . Il s’agit d’un programme qui vise à augmenter le nombre de médecins généralistes de manière à assurer la relève en Suisse romande. Il comprend des actions d’orientation et de placement des futurs généralistes, de soutien à la formation post-graduée et de lobbying.

  • Enfin, outre les actions dans lesquelles nous sommes impliqués au niveau intercantonal pour soutenir la relève médicale, nous devons agir concrètement à l’intérieur du canton:

Dans le cadre du cursus romand de formation hospitalière en médecine générale, nous voulons faire venir dans le canton des étudiants des autres cantons. Pour cela, nous devons :

–         créer des places de stages en suffisance dans les hôpitaux : tous les sites d’HNe peuvent convenir.

–         Organiser le recrutement des étudiants d’autres cantons

–         Organiser un cursus complet selon le plan romand dans les divers sites d’HNe

–         Offrir aux étudiants des conditions d’accueil attractives dans notre canton (bon niveau de salaire, appartement réservé proche du site de travail, éventuellement places de crèche réservées).

La coordination de ce projet doit être financée en commun par l’ANMO, HNe et l’Etat de Neuchâtel.

Dans le cadre du cursus romand en cabinet, le Conseil d’Etat a décidé de tenter une expérience sur le site hospitalier de Val-de-Travers en développant ce que nous avons nommé une « plate-forme régionale de santé« . Plate-forme qui a été inaugurée officiellement le 19 juin dernier. Il s’agit en l’occurrence de créer une synergie entre des cabinets de médecins installés à l’intérieur des murs de l’hôpital, la policlinique, le Centre de traitement et de réadaptation et le SMUR.

Le projet est en cours de réalisation. Un médecin de la région s’est installé à l’hôpital et a accueilli une assistante en formation. HNe effectue des recherches pour attirer un autre médecin qui devra lui-même encadrer des assistants. Nous en avons trouvé un à temps partiel. Nous allons ainsi augmenter l’effectif des médecins généralistes actifs dans la région et nous espérons que, une fois leur parcours de formation terminé, les assistants ayant passé par Val-de-Travers seront plus enclins à s’y installer.

Un groupe de travail qui réunit des représentants de la santé publique, des autorités locales et d’HNe a été mis en place et est chargé de suivre le processus. Nous effectuerons ultérieurement une évaluation de ce projet pilote pour voir s’il peut être reproduit ailleurs. Notamment dans les policliniques régionales du Locle, de Landeyeux et de La Béroche que le Conseil d’Etat veut maintenir en activité.

Autres professions

La pénurie de personnel soignant touche toute la Suisse et de nombreuses professions de la santé et ceci depuis plusieurs années déjà.

Par exemple, il manque 2400 diplômés par année dans les soins infirmiers.

Nous avons remédié à cette situation en faisant venir le personnel infirmier manquant de l’étranger, mais ce n’est évidemment pas une situation qu peut perdurer, car nous dépendons de pays dans lesquels la situation peut changer du jour au lendemain et nous pourrions avoir bien des problèmes à recruter à l’avenir.

Nous devons là aussi augmenter les possibilités de formation, mais nous devons aussi parler de l’attractivité de la profession. Les professions de soins sont souvent très pénibles et les salaires ne sont pas toujours à la hauteur des exigences que l’on pose. Nombre de soignantes travaillant dans les homes ne sont que très mal rétribuées. Il faut donc travailler sur plusieurs fronts :

–         faire connaître les professions de la santé, par exemple la nouvelle profession de ASSC, assistance en soins et santé communautaire.

–         Offrir des places supplémentaires de formation en soins infirmiers, mais il faut évidemment que les places de stages suivent.

–         offrir des places de formation dans les écoles, les hôpitaux et les homes

–         faire reconnaître ces nouvelles professions et définir leur place dans les hôpitaux, ce qui signifie souvent une réorganisation des soins.

–         Peut-être faut-il imaginer un système plus incitatif, une reconnaissance du rôle de formatrices des institutions sous contrat de prestations

–         Améliorer les conditions de travail et en particulier signer des conventions collectives de travail, garantissant des salaires intéressants

–         Faciliter la conciliation entre activités professionnelles et famille. Une grande partie du personnel soignant est féminin. Il faut s’adapter aux temps partiels et offrir des places de crèches.

–         Etudier la possibilité d’offrir des cours de formation continue pour les infirmières qui ont quitté la profession et désirent y revenir.

C’est la politique que nous suivons à Neuchâtel avec une convention collective de travail signée par l’hôpital et les soins à domicile, ainsi qu’une partie des homes et un hôpital qui dispose d’une crèche.

 

 

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