Fumée passive

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les député-e-s,

Débat sur l’urgence

Si nous ne contestons pas les droits d’un groupe de citoyens de demander que la problématique soit débattue une nouvelle fois dans cet hémicycle, nous estimons que la clause d’urgence qui assorti la motion n’a pas de justification.

En effet, il nous paraît que la loi cantonale, qui a par ailleurs été votée par votre autorité alors que la loi fédérale était connue, est entrée en vigueur sans incident majeur et que les établissements concernés s’y sont conformés sans heurt.

D’autre part et contrairement à ce qui est affirmé dans la motion, la loi cantonale n’est pas en contradiction avec la loi fédérale, cette dernière autorisant les cantons à aller plus loin.

Dans les faits, ce n’est pas la conformité de la loi cantonale contre la fumée passive qui motive les motionnaires, c’est leur opposition à la loi votée par le Grand Conseil. Ils demandent simplement que le législatif cantonal revienne sur sa décision initiale.

Dans ce contexte, un projet de loi proposant également une adaptation de la législation cantonale à la loi fédérale a été déposé par les députés Bauer et Dupraz. Il est probable que les motionnaires ne soient pas au courant de ce projet avec lequel leur texte fait ostensiblement double emploi.

Fort de cette appréciation, le Conseil d’Etat estime qu’il serait judicieux d’attendre que la Commission santé du Grand Conseil se soit penché sur le projet de loi des députés Bauer et Dupraz et qu’elle ait rendu son rapport avant de débattre de la motion en en plénum.

A noter également qu’une question a précédemment été posée à ce sujet en janvier de cette année par M. Dupraz. La position du conseil d’Etat est restée la même depuis lors. Le Conseil d’Etat soutient les dispositions actuellement en vigueur, qui ne sont pas à l’origine de problèmes sévères dans le terrain et ne nécessitent donc en aucun cas pas un débat urgent.

En conclusion, nous combattons la clause d’urgence.

Position du Conseil d’Etat

Comme cela a été signalé en préambule, une question a été posée au sujet de la législation cantonale en matière de protection contre la fumée passive en janvier de cette année (Question 10.313).

La position et donc la réponse du Conseil d’Etat depuis lors est restée la même.

Le 4 novembre 2008, le Grand Conseil a adopté la loi modifiant la loi de santé (LS ; fumée passive). L’adoption de cette loi a fait suite au dépôt d’une initiative populaire cantonale « fumée passive et santé », ainsi qu’à trois motions portant sur le tabagisme (04.178, 05.157, et 05.158).

Avec l’introduction des articles 50a et 50b LS, le Grand Conseil a décidé d’interdire la fumée dans les lieux publics ou accessibles au public du canton de Neuchâtel. Pour rappel, cette interdiction vise tous les lieux fermés publics ou accessibles au public. Cette interdiction prévoit toutefois des exceptions: d’une part, les lieux de vie, soit les chambres d’hôpital ou d’établissement spécialisé de séjour permanent ou prolongé, les chambres d’hôtel et lieux d’hébergement, de même que les cellules de prison ne sont pas touchés par cette interdiction. D’autre part, les établissements publics et danses publiques au sens de la législation cantonale en matière d’établissements publics, tout comme les lieux de vie précités, ont la possibilité d’aménager des fumoirs: ces fumoirs doivent être fermés, exclure tout service et répondre à des critères techniques.

La loi est entrée en vigueur au 1er avril 2009.

Entre temps, la date d’entrée en vigueur de la loi fédérale sur le tabagisme passif et l’ordonnance d’application y relative ont été définies.

La loi et l’ordonnance fédérale sont moins restrictives que la législation sur plusieurs points. Malgré la portée prépondérante du droit fédérale, cet état de fait ne pose pas de problème juridique, en raison de l’article 4 de la loi fédérale, qui permet explicitement aux cantons d’édicter des dispositions plus strictes pour la protection de la santé.

A noter que les dispositions cantonales concernent uniquement les espaces fermés accessibles au public. Tout le domaine des entreprises privées, dans leurs parties non librement accessibles à tout un chacun, reste sujet aux dispositions fédérales, moins sévères notamment en ce qui concerne la création de fumoirs.

De manière synthétique, pour les espaces accessibles au public, les dispositions neuchâteloises actuelles sont plus strictes sur les points suivants:

  • La loi fédérale permet la création de fumoirs dans tous les lieux concernés par l’interdiction de fumer alors que les dispositions cantonales ne le permettent que dans les établissements d’hôtellerie et de restauration ainsi que dans les lieux assimilés à des lieux de vie (article 3 LS). Pour information, il y a actuellement 24 fumoirs annoncés officiellement auprès des services concernés ;
  • La loi fédérale indique que, « à titre exceptionnel et sous réserve de leur accord explicite, des employés peuvent travailler dans les locaux fumeurs des établissements d’hôtellerie et de restauration« , alors que la loi cantonale exclut le service dans les fumoirs;
  • La loi fédérale permet l’exploitation, sur autorisation, d’établissements fumeurs, du moment qu’ils disposent d’une surface de moins de 80 mètres carrés et sont dotés d’une ventilation adéquate, alors que la loi cantonale ne prévoit pas cette possibilité;
  • L’ordonnance fédérale ne prévoit pas de critères explicites pour la ventilation des fumoirs, se reposant sur le devoir de vigilance de l’exploitant, alors que le règlement cantonal prévoit des dispositions précises.

Dès lors, le Conseil d’État estime que les bienfaits de l’interdiction de fumer sur la santé d’une population ne sont plus à démontrer. Une récente étude publiée dans le canton des Grisons vient encore confirmer, avec un exemple suisse, ce qui est déjà connu de longue date. Le bien-fondé même de l’interdiction n’est donc aucunement remise en cause, malgré les quelques désagréments réels liés à une première phase d’adaptation et dont la presse s’est faite volontiers écho.

Les difficultés économiques de la branche de l’hôtellerie- restauration sont réelles et le Conseil d’État y est sensible. Cependant, aucune information documentée et sérieuse ne permet, à l’heure actuelle, de démontrer un impact négatif chiffré de cette interdiction sur l’économie. Le nombre de patentes est resté globalement stable. Le Conseil d’État ne conteste pas le fait que, selon la configuration des lieux, certains établissements puissent souffrir fortement, voire fermer, en partie suite à l’interdiction de fumer. Il faut néanmoins se garder de conclure hâtivement que l’interdiction est à la base de tous les maux. D’autres causes, dont notamment la crise et un nombre trop élevé d’établissements sont responsable des difficultés rencontrées.

De plus, la position spécifique du Conseil d’État sur les quatre points susmentionnés, sur lesquelles le canton est plus strict que la loi fédérale, est la suivante.

  • Par la loi cantonale, les établissements d’hôtellerie et de restauration ainsi que les lieux de vie peuvent créer des fumoirs.  Par les dispositions fédérales, les entreprises privées non accessibles au public peuvent également créer des fumoirs.

Reste que, par la loi cantonale, les lieux tels que bâtiments publics ou parapublics, structures d’accueil pour enfants, écoles et lieux de formation, bâtiments liés à la culture, aux sports et aux loisirs, locaux commerciaux en tout genre, magasins et centres commerciaux et enfin les transports publics ne peuvent pas créer de fumoir. Cet état de fait n’a été l’objet d’aucune contestation d’aucune sorte et aucune modification de la loi ne sera proposée à cet égard par le Conseil d’État.

  • La loi fédérale indique que,  » à titre exceptionnel et sous réserve de leur accord explicite, des employés peuvent travailler dans les locaux fumeurs des établissements d’hôtellerie et de restauration », alors que la loi cantonale exclut le service dans les fumoirs. Le Conseil d’État estime que tous les travailleurs de l’hôtellerie et de la restauration doivent être protégés de la fumée passive. C’est également l’avis qu’a exprimé le Grand Conseil en novembre 2008. Cette interdiction de service s’applique également aux propriétaires des lieux, par souci d’égalité de traitement entre les établissements.

A noter encore, qu’absence de service actif n’implique pas forcément l’absence de consommation dans le fumoir. Les clients peuvent, s’ils le souhaitent, apporter leur consommation dans le fumoir. Aux exploitants de trouver ensuite le système leur convenant le mieux pour évacuer la vaisselle (demander aux clients de la ramener au bar, prévoir un chariot qui est évacué en fin de journée, etc.). Quant  à l’argument de la dangerosité des fumoirs en cas de malaise d’un client par exemple, nous tenons à préciser qu’absence de service dans le fumoir n’implique pas l’interdiction même d’y pénétrer, pour secourir un client par exemple. Un peu de bon sens s’impose; ces arguments visent uniquement à discréditer la loi.

  • La loi fédérale permet, sur autorisation, l’exploitation d’établissements fumeurs, du moment qu’ils disposent d’une surface de moins de 80 mètres carrés et sont dotés d’une ventilation adéquate, alors que la loi cantonale ne prévoit pas cette possibilité. Une telle exception, outre le casse tête inévitable qu’il représenterait en termes d’application et le travail administratif supplémentaire généré par le régime des autorisations, remettrait également en cause la protection de la santé d’une partie des employés. Un amendement allant dans ce sens a été examiné lors de la séance du Grand Conseil du 4 novembre et refusé à une large majorité. Le Conseil d’État ne proposera donc pas non plus de revenir sur ce point.

A noter de plus, qu’une initiative populaire fédérale a été récemment déposée, par la Ligue pulmonaire suisse, demandant l’abandon de cette possibilité d’exception. Le peuple sera donc appelé à se prononcer à ce sujet. Il n’est guère opportun de modifier l’actuelle loi cantonale pour revenir, le cas échéant, en arrière dans quelques mois.

 

  • L’ordonnance fédérale ne prévoit pas de critères explicites pour la ventilation des fumoirs, se reposant sur le devoir de vigilance de l’exploitant, alors que le règlement cantonal prévoit des dispositions précises.

Les données scientifiques disponibles montrent clairement que les fumoirs ne sont pas une bonne solution en termes de santé publique. Ils ont cependant été intégrés dans les dispositions cantonales, par souci de respect envers les besoins de fumeurs et des intérêts économiques des établissements publics. Des critères techniques exigeants sont néanmoins nécessaires pour garantir que la protection des personnes à l’extérieur des fumoirs soit réelle. Le règlement cantonal s’inspire à cet égard des dispositions françaises. Une ligne relativement stricte a été retenue, également dans l’attente de connaître les dispositions fédérales, afin d’éviter que les établissements ayant créé un fumoir doivent investir en adaptations coûteuses. L’ordonnance fédérale laissant finalement la compétence aux cantons de décider ce qu’est une ventilation adéquate, le Conseil d’État s’est prononcé récemment sur une définition légèrement assouplie de la ventilation. Ainsi, le règlement n’exige plus une ventilation séparée, mais uniquement une ventilation adéquate. Une ventilation étant jugée adéquate du moment qu’elle remplit les trois critères suivants: elle

  • garantit le taux de renouvellement de l’air et de dépressurisation prescrits dans le fumoir;
  • ne permet pas de retour d’air extrait du fumoir dans d’autres locaux, quel que soit le régime de ventilation, y compris lors de l’arrêt de la ventilation;
  • exclut la contamination de l’air entrant par l’air extrait par une séparation physique et chimique des flux (échangeur à plaques uniquement). »

Cette modification n’a donc pas porté sur l’effet ou la puissance de la ventilation, mais bien sur des aspects techniques au moment de son installation. Elle permet plus facilement le recours à une ventilation existante, pourvu que la dépressurisation et le renouvellement de l’air soient en tout temps garantis. Cette modification est effective depuis le 1er mai de cette année.

 

Conclusion

 

Aucun des aspects importants de la protection contre la fumée passive n’est remis en question par le Conseil d’Etat et nous proposons donc le rejet de cette motion populaire.

 

 

SCSP/LMU/29.06.10

 

 

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