Pauvreté et aide sociale

Mesdames et Messieurs les députés,

Comme je vous l’avais dit lors du débat sur l’urgence en août dernier, le Conseil d’Etat est sensible aux préoccupations des communes face au phénomène du fort recours à l’aide sociale dans le canton de Neuchâtel. C’est dire si nous comprenons les interrogations du Conseil général de Chézard-St-Martin.

En effet, en automne 2008 déjà, le Département de la santé et des affaires sociales, avec l’appui de l’IDHEAP et de Compas Management, a initié une étude sur les possibles réformes de l’aide sociale dans le canton de Neuchâtel. Un rapport a été rendu au printemps 2009, définissant des lignes stratégiques sur plusieurs axes. Il a notamment été présenté à la commission cantonale de l’action sociale.

Parmi les constats dressés dans cette étude comparative, un point en particulier mérite d’être mis en exergue : l’environnement socio-économique du canton de Neuchâte3l est particulièrement difficile.

Avec un taux de chômage le plus élevé de Suisse, après Genève, avec des revenus disponibles plus bas que la moyenne suisse et avec un taux de divorces record, beaucoup plus élevé que les plus élevés de Suisse, et par conséquent un grand nombre de familles monoparentales, la structure de la population neuchâteloise explique le fort recours à l’aide sociale.

Une étude de l’université de Genève a récemment mis en avant les deux éléments qui ont le plus d’influence sur l’aide sociale. Il ne s’agit pas de pratique plus ou moins restrictives. Nous avons tous à peu près les mêmes normes. Il faut regarder la réalité en face et cette réalité est toute crue : le taux de chômage et la structure des familles sont les deux critères les plus importants pour expliquer le taux d’aide sociale d’une région.

Dans le canton de Neuchâtel, force est d’admettre que la situation est mauvaise pour ces deux indicateurs, qui pèsent dès lors très lourdement sur l’aide sociale.

En outre, parmi les éléments développés dans l’étude IDHEAP/Compas, il y a un autre constat accablant pour le canton de Neuchâtel : la politique sociale est trop perméable. Je traduis en termes un peu moins choisis, si vous préférez : la politique sociale est particulièrement faible ! Si l’on ne renforce pas les prestations en amont de l’aide sociale, les bourses, les subsides LAMal, les aides aux familles, les allocations familiales, etc, etc. le recours à l’aide sociale sera forcément plus élevé que dans les cantons qui ont toutes ces aides ciblées.

Nous savons donc exactement pourquoi notre taux d’aide sociale est plus élevé qu’ailleurs et la commune de Chézard-St-Martin a raison, nous devons nous en préoccuper et nous nous en préoccupons. C’est aussi un axe prioritaire de notre politique sociale. Nous voulons lutter contre la pauvreté et en particulier, contre la pauvreté des familles.

Le Conseil d’Etat a donc lancé plusieurs projets qui vont dans cette direction :

–      le désenchevêtrement de l’aide sociale, dont parle la motion de Chézard-St-Martin, c’est important,

–      mais aussi des projets d’aide aux familles comme le lancement récemment d’une réflexion sur les prestations complémentaires familiales, à l’instar du canton du Tessin, qui les a déjà depuis longtemps, ou d’une dizaine d’autres cantons qui sont en train de les mettre en place ou d’y réfléchir comme nous.

–      Les entreprises sociales qui sont un outil efficace de réinsertion professionnelle.

–      Et bien sûr, la fiscalité des personnes physiques sur laquelle planche le DJSF actuellement.

–      Nous nous pencherons également cette année sur une nouvelle loi sur les bourses.

Ce sont des moyens qui doivent permettre de décharger l’aide sociale en aidant les familles et les jeunes aux études de manière ciblée. Nous devons absolument améliorer nos prestations en amont. C’est notre but et les projets sont déjà lancés. Nous y arriverons avant la fin de cette législature.

Pour en revenir au projet de désenchevêtrement, qui est particulièrement évoqué par la commune de Chézard-St-Martin, le Conseil d’Etat a donc décidé de s’y attaquer, car les dépenses liées à cette prestation sont assumées à 60% par les communes et 40% par l’Etat. Tandis que les autres prestations sociales en amont relèvent du financement exclusif du canton. En clair, la situation actuelle ne favorise pas les investissements en amont, parce que l’Etat doit les assumer seul, alors que l’aide sociale et partagée avec les communes. Le canton dépenserait davantage pour les prestations sociales en amont et ne ferait que 40% d’économie sur l’aide sociale !

Le Conseil d’Etat, en étroit partenariat avec l’Association des communes neuchâteloises a souhaité qu’une sous-commission de l’action sociale mène des réflexions approfondies sur un possible désenchevêtrement dans le domaine de l’aide sociale. Les travaux en sous-commission ont commencé le 1er septembre dernier. Il est prématuré d’exiger de favoriser une piste ou l’autre. Si nous choisissons la cantonalisation, il faudra encore convaincre les villes en particulier de s’y rallier.

Laissons le temps aux commissaires pour mener une réflexion complète et satisfaisante pour chacun. Est-ce bien utile de préciser que la voix des communes pourra s’exprimer, puisque des représentants des villes, mais aussi des régions moins urbaines, participent aux travaux.

En conclusion, nous considérons que les démarches demandées par l’initiative communale de Chézard-St-Martin sont déjà entreprises ou sont en train de l’être. Pour cette raison, nous proposons de rejeter la motion 10.150. Cette motion est très intéressante et très pertinente, mais ces questions sont déjà abordées par le Conseil d’Etat. Elles sont déjà en travail et des réponses arriveront avant la fin de l’année pour certaines, voire dans quelques semaines pour d’autres.

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