Interview à l’occasion de l’introduction des DRG dans les hôpitaux

 

Introduction de SwissDRG à Neuchâtel– 9 mai 2011

 

Le système DRG entre en vigueur en 2012. Quels changements pour le canton de NE ? Quel état de préparation ? Quels problèmes en vue ? Quel perception en a-t-on à NE : avantages, inconvénients ?

 

Depuis 2006, les hôpitaux neuchâtelois de soins somatiques aigus appliquent un système similaire, les APDRG. Ils sont donc bien rôdés pour le codage des prestations et l’utilisation d’une structure tarifaire de type DRG. Ils devront évidemment procéder à quelques adaptations (manuel de codage, etc.) mais les règles restent plus ou moins les mêmes.

 

D’éventuels problèmes apparaîtront   certainement en lien avec l’application des SwissDRG puisque cette structure   tarifaire est nouvelle. Des défauts de jeunesses sont donc attendus. Les   difficultés, qui sont communes à tous les cantons relèvent de la nécessité   d’obtenir une information médicale très précise pour facturer ces prestations   et de l’évaluation du prix du point SwissDRG, calculé sur des données des années   antérieures, alors que la nomenclature de classification des traitements   (CHOP 2011) n’était pas encore en vigueur.

 

Il faudra probablement s’attendre à des retards de facturation et de nombreuses contestations dans le secteur stationnaire de soins aigus, compte tenu du fait que la facturation dépend des codeuses médicales professionnelles, dont la profession est nouvelle en Suisse et que bon nombre d’assurances devront aussi adapter leur processus de contrôle pour valider les factures.

 

L’introduction d’une structure tarifaire unique au niveau national est certainement une évolution constructive sur le principe. Une uniformisation de l’évaluation des besoins en ressources poussera certainement les hôpitaux les moins performants en termes d’efficience à chercher des pistes d’amélioration. Il reste cependant à espérer que l’efficience ne sera pas augmentée au détriment des patients. Un contrôle de la qualité des prestations (ex. taux de réhospitalisations potentiellement évitables) devra être mis en place en parallèle. L’Association nationale pour la qualité dans les hôpitaux et les cliniques (ANQ) œuvre dans ce sens. L’Etat suit déjà un certain nombre d’indicateurs de qualité avec HNe par le biais du contrat de prestations conclu entre ces deux parties.

 

 

L’introduction du nouveau système repose sur une planification hospitalière établie au préalable. Où en est-on à NE, quel est le «paysage hospitalier» (hôpitaux sur liste, conventionnés, privés)? Que reste-t-il à faire ? Quelles difficultés se posent ?

Les cantons disposent d’un délai au 1er janvier 2015 pour adapter leur planification hospitalière aux nouvelles prescriptions fédérales (notamment planification sur la base des prestations pour les soins somatiques aigus).

 

Les cantons disposent d’un délai au 1er janvier 2015 pour adapter leur planification hospitalière aux nouvelles prescriptions fédérales, notamment la planification sur la base des prestations pour les soins somatiques aigus.

 

Ce délai ne sera pas de trop pour évaluer la situation de manière fiable et fixer des critères de choix au niveau cantonal.

 

Certains critères sont fixés dans la LAMal ou ses ordonnances, tels que l’économicité ou la qualité des prestations, mais il est aujourd’hui quasi impossible de porter un jugement objectif sur ces éléments.

 

 

Nous attendons aussi de voir comment adapter les recommandations de la CDS en matière de planification hospitalière (notamment pour le regroupement des prestations).

 

Le canton devra faire une planification non plus en fonction des prestations qu’il doit obtenir pour couvrir les besoins de la population neuchâteloise.

 

Il doit définir ces prestations et ensuite énumérer les établissements qui doivent les fournir. Bien sûr, la liste hospitalière est un élément sensible de la politique hospitalière. Il s’agit de couvrir tous les besoins, sans pour autant mettre automatiquement tous les hôpitaux et cliniques sur la liste, sachant que la présence d’une institution sur la liste lui donne droit à la prise en charge de ses prestations par l’AOS et par l’Etat. La sélection des hôpitaux et cliniques hors canton nécessaires à la couverture des besoins en soins de la population neuchâteloise est également sensible. Les recours ne sont pas exclus.

 

Le système DRG et l’analyse des données recueillies doivent permettre des comparaisons et fournir les bases d’une concurrence entre hôpitaux (avec le libre-choix pour les assurés). Y aura-t-il concurrence entre le Haut et le Bas, ou sera-t-elle évitée grâce à une planification ? Même question entre NE et les cantons voisins (développement complémentaire, voire concerté, par exemple avec Saint-Imier).

 

Il s’agit ici de bien distinguer deux processus qui relèvent de compétences distinctes. D’une part, il y a la répartition des missions entre les sites de l’HNe qui relève de la compétence du Grand Conseil, conformément à la LEHM. D’autre part, il y a la planification hospitalière en tant que telle qui relève de la compétence du CdE, en application de la LS. Le CdE va confier un certain nombre de missions à l’HNe, sans préciser quel site effectue quelle prestation. Il revient ensuite au GC de définir la répartition des missions entre sites par la validation du plan stratégique de l’HNe. Il en va de même pour le CNP. Le plan stratégique du CNP a été adopté par le Grand Conseil en 2010.

 

Les récentes réformes vont toutefois dans le sens d’une plus grande complémentarité entre sites de soins aigus, il n’y aura pas de concurrence entre le Haut et le Bas au sein d’HNe.

 

Par ailleurs, dans le cadre de la planification hospitalière, le CdE devra se déterminer sur la position qu’occuperont l’Hôpital de La Providence à Neuchâtel et les cliniques privées de La Chaux-de-Fonds, Montbrillant et La Tour. La présence de ces institutions sur la liste hospitalière cantonale pourrait créer une concurrence entre hôpitaux.

 

Il est clair que les hôpitaux des cantons voisins proches des frontières (Yverdon, Bienne, St-Imier) sont les principaux concurrents des hôpitaux neuchâtelois.

 

Le canton de NE va démarrer la phase transitoire (de 5 ans) avec une clé de répartition du financement de 59,5% pour le canton et 40,5% pour les assureurs. Prévoit-on d’en arriver à la clé moyenne de 55/45 en 2017 ou de maintenir une part plus élevée pour le canton ?

 

La phase transitoire de 5 ans qui est prévue par le LAMal ne concerne que les cantons qui ont une prime moyenne inférieure à la moyenne suisse. Elle ne concerne dès lors pas le canton de Neuchâtel qui a une prime plus élevée que la moyenne. Notre marge de manœuvre se limite donc à fixer une participation cantonale à 55% ou plus.

 

Par arrêté du 28 mars 2011, le Conseil d’Etat a fixé la part cantonale à la rémunération des prestations à 55%.

 

Pour ce premier exercice, la difficulté réside dans le fait que le canton a dû fixer sa part à la rémunération dans un contexte encore plein d’inconnues. En effet, la méthode de calcul des tarifs, le niveau de prise en compte des coûts d’investissements et de la formation non universitaire ne sont pas encore connus aujourd’hui. La position des assureurs dans les négociations tarifaires et la pression qu’ils entendent mettre sur les hôpitaux est également une inconnue. De même, l’effet de l’introduction de la nouvelle structure tarifaire SwissDRG (en remplacement des APDRG) pourrait avoir un effet sur les coûts à charge de l’assurance obligatoire des soins et des cantons. Rappelons encore que l’Etat n’est pas partie aux négociations tarifaires, bien qu’il soit directement touché par le résultat de ces négociations.

 

Sur cette base, le canton a élaboré son modèle de calcul. Il en résulte que chaque pourcent de prise en charge supplémentaire coûte deux millions de francs à l’Etat.

 

Avec un taux de 55%, le canton de Neuchâtel ddoit débourser plus de 10 millions de francs supplémentaires par rapport à la situation actuelle. C’est le nouveau devoir de participation financière du canton aux prestations réalisées hors canton par convenance personnelle ou dans les cliniques privées pour raison médicale, qui en est la cause.

 

Ce n’est qu’avec un certain recul (au moins 2 ans) que le canton pourra se positionner sur l’effet de sa décision de fixer sa part à la rémunération à 55%.

 

 

A cet égard, quel rôle joue l’investissement (qui sera désormais intégré aux tarifs DRG) ? Il en résultera une hausse de primes évaluée par les assureurs à 2,8% pour NE. Est-ce aussi votre pronostic ?

 

Les assureurs-maladie ont également élaboré leur modèle de calcul. Ce modèle est identique pour tous les cantons bien qu’il tienne compte de certaines différences cantonales. Les chiffres mentionnés se basent sur ce modèle.

 

Selon notre analyse, les assureurs vont négocier les tarifs de manière à réduire au maximum l’effet de la réforme du financement hospitalier sur leurs coûts. Comme précisé ci-dessus, de nombreuses inconnues subsistent sur lesquelles les assureurs ont la possibilité d’influer. Nous sommes convaincus qu’ils utiliseront cette marge de manœuvre à leur avantage.

 

Les assureurs auraient tort de ne pas annoncer d’augmentation de primes car il existe un grand flou sur l’impact financier des nouvelles dispositions fédérales. Rappelons que les tarifs seront fixés après que les primes auront été communiquées.

 

Si toutefois les prévisions des assureurs se révèlent correctes, il paraît normal que les coûts qui étaient jusqu’à présent à charge des assurances complémentaire ne soient pas entièrement reportés sur le canton et que les assureurs-maladie assument également une part de ces nouveaux coûts. On ne peut que regretter que les grands gagnants de cette réforme du financement hospitalier soient les assurances complémentaires qui verront leurs coûts baisser fortement, coûts qui seront repris par les cantons et l’AOS.

 

 

La FMH, mais aussi H+ et les organisations de patients, craignent que les assureurs (à l’occasion de l’introduction des DRG) utilisent les données des hôpitaux pour imposer des réductions de coûts sans trop de considération pour la qualité des prestations. Partagez-vous cette crainte ?

 

Les négociations tarifaires ont lieu entre les partenaires tarifaires que sont les assureurs-maladie et les hôpitaux. L’Etat n’intervient pas dans ce processus. Il agit en aval puisqu’il est autorité de ratification des tarifs négociés.

 

Les assureurs-maladie vont très certainement faire pression sur les coûts pour réduire au maximum les tarifs à leur charge. Il revient aux hôpitaux de négocier activement les tarifs qui leur paraissent les plus proches de leur réalité financière. Rappelons qu’une des issues possibles aux négociations est de constater l’échec de celles-ci. Il reviendra alors à l’Etat de fixer le tarif. C’est là le côté un peu pervers du système qui veut que l’Etat fixe le tarif alors même qu’il est directement concerné par ce tarif.

 

Certes, les assureurs ont un grand pouvoir de négociations mais les hôpitaux ont leur mot à dire et il est de leur responsabilité que les tarifs négociés leur permettent de fournir des prestations de qualité. L’Etat, de son côté, a déjà mis en place des indicateurs permettant de détecter une éventuelle dérive en matière de qualité.

 

La qualité sera d’ailleurs certainement un argument de concurrence entre hôpitaux ce qui poussera les hôpitaux à prodiguer des soins de qualité. A l’inverse, le prix ne devrait pas, ou alors que dans une faible mesure, être un argument de concurrence entre hôpitaux, du point de vue du patient.

 

En théorie, on peut donc partager la crainte émise par la FMH et H+. En pratique, la mise en place d’un système de contrôle et d’incitation pour les hôpitaux à assurer une qualité adéquate devrait permettre de limiter les conséquences de l’introduction des DRG sur la qualité.

 

 

 

 

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