Aide sociale et effets de seuils

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les députés,

 

Il est parfois difficile de s’opposer à une motion surtout quand elle traite d’un thème qui préoccupe non seulement le Grand Conseil mais aussi le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat se penche régulièrement sur les effets de seuil et s’efforce, chaque fois que cela est possible, de les réduire. Un grand travail a déjà été réalisé. Mais il reste encore beaucoup à faire!

Reconnaissons-le, les effets de seuil sont politiquement et socialement problématiques et l’on doit tout mettre en œuvre pour les combattre.

Mais pas en engageant un coordinateur.

Plusieurs études ont déjà mis le doigt où cela fait mal. Et notamment la Conférence suisse des institutions d’action sociale. La CSIAS a actualisé, en ce début d’année à notre demande, sa fameuse étude de 2007.

La CSIAS constate que les effets de seuil qu’il faut combattre dans le canton de Neuchâtel sont particulièrement graves dans deux domaines principaux:

1)   Les subsides d’assurance-maladie, notamment à la sortie de l’aide sociale;

2)   L’imposition des bas revenus, notamment pour ceux qui visent la réinsertion dans la vie professionnelle.

Sur le plan des subsides d’assurance-maladie, le Conseil d’Etat améliore chaque année un peu la situation en vue de réduire le fossé qui sépare les bénéficiaires d’un subside et ceux dont toute la prime est prise en charge par l’Etat, en particulier parce qu’ils sont à l’aide sociale.

Si l’on s’en tient aux derniers efforts en date, d’ailleurs soutenus par cet hémicycle, il faut citer l’exercice budgétaire 2012.

En effet, cette année, les montants mensuels des subsides pour les adultes des catégories 1 à 2 ont été augmentés de 20% dans le but justement d’atténuer significativement les effets de seuil.

La différence qui sépare le subside de catégorie 1 de la prime moyenne cantonale est ainsi passée en une année de 172 à 134 francs par mois. Le coût de cette mesure atteint 5 millions environ. Un nouvel effort va être réalisé en 2013, afin de faire encore baisser ce différentiel de quelques francs.

Sur le plan de la fiscalité des personnes physiques, la réforme que cet hémicycle vient d’adopter n’a pas eu les effets escomptés dans ce domaine. La CSIAS relève dans les conclusions de son étude de 2011 que « dans les segments à bas revenus, la charge fiscale agrandit l’effet de seuil à la limite du droit à l’aide sociale ».

Et la CSIAS conclut qu’une exonération fiscale du minimum vital éliminerait complètement cet effet additionnel. C’est une option qui a été étudiée par la commission, mais dont le coût a paru trop élevé.

Nombre d’autres mesures ont été prises. Un groupe de travail ad hoc de l’administration a exploré plusieurs pistes.

En 2006, afin de favoriser la prise d’un emploi ou d’inciter certaines personnes à augmenter leur temps de travail, une franchise a été instaurée. Il a été décidé que les 400 premiers francs provenant d’une activité lucrative n’étaient pas pris en compte.

Dans le secteur des aides au recouvrement des pensions alimentaires, un deuxième palier a été introduit récemment, diminuant par deux l’effet de seuil identifié.

Il reste un gros problème, celui des saisies à la sortie de l’aide sociale, un élément qui est réglé par une loi fédérale, sur laquelle nous ne pouvons malheureusement pas agir à notre niveau.

La CSIAS souligne aussi l’importance de l’harmonisation des prestations. La CSIAS estime qu’il est indispensable d’uniformiser les revenus déterminants et d’établir une hiérarchie claire entre les différentes prestations de transfert.

Ce sont précisément les objectifs poursuivis par le Projet ACCORD.

Il faut le dire haut et fort: pour combatre efficacement les effets de seuil, nous avons moins besoin d’un capitaine que de munitions.

En des termes moins militaires, je dirais que nous n’avons pas besoin d’un coordinateur mais plutôt de moyens financiers.

Pour combattre les effets de seuil il faut améliorer la situation de la catégorie de la population qui n’a actuellement juste pas droit à certaines aides financières des collectivités publiques.

Et cela a un coût certain, ne nous leurrons pas.

Une étude interne, réalisée par l’office cantonal de l’assurance-maladie en 2011, avait estimé la lutte contre les effets de seuil dans ce domaine à au-moins 10 millions de francs.

Nous avons pu en investir la moitié en 2012. Nous ferons encore un petit effort en 2013.

C’est clairement de cela dont on aurait besoin pour atteindre l’objectif poursuivi par les motionnaires. Un coordinateur n’y changerait pas grand-chose. M. le président, nous connaissons le problème. Nous savons où il faudrait agir et comment. Il ne nous manque que les moyens de le faire.

En conclusion, vous l’aurez compris, le Conseil d’Etat s’oppose à cette motion.

 

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