Crise de La Providence

Monsieur le président,

Mesdames, Messieurs les députés,

Avant de répondre spécifiquement aux questions qui sont posées dans la présente interpellation, il me semble important de rappeler brièvement les quelques faits marquants à l’origine de la situation qui prévaut aujourd’hui.

Fin décembre 2011, La Providence écrit au Département de la santé pour lui signaler que son budget 2012 est déficitaire à hauteur de 3,7 millions de francs. Elle fait valoir que la subvention que le Grand Conseil vient d’adopter dans le cadre du  budget 2012  ne lui permet pas de couvrir ses charges.

La Providence demande alors que l’Etat lui paie ces 3,7 millions comme reconnaissance de prestations d’intérêt général qu’elle estime fournir.

Or, la loi de santé, modifiée par votre Autorité en 2011, suite à la révision de la LAMal sur le financement hospitalier, entrée en vigueur le 1er janvier 2012,  ne prévoit pas que l’Etat puisse financer des prestations d’intérêt général fournies par un hôpital privé.

L’Etat en avait d’ailleurs informé La Providence oralement et par lettre en juillet 2011, sans que cela ne suscite de réaction de sa part,.

Suite à l’intervention de La Providence fin 2011, le Département, puis le Conseil d’Etat in corpore ou en délégation reçoivent La Providence à plusieurs reprises pour tenter de trouver une solution.

Il est alors proposé à La Providence de faire un choix et de se positionner clairement : ou elle s’intègre dans HNE, ou elle choisit la voie privée ou elle s’oriente vers des activités non hospitalières.

La Providence choisit la voie privée et s’engage dès avril dans des négociations exclusives avec le groupe GSMN, plus connu sous le nom de groupe Genolier. Dans ce cadre, en juin, elle résilie la CCT Santé 21. Un conflit éclate alors entre employeurs et employés et le Conseil d’Etat est appelé comme médiateur. Il répond positivement à cette demande.

Dans le cadre des discussions qui suivent, la question de l’intégration dans HNE est reposée. La Providence refuse forcément cette option, puisqu’elle a signé un engagement de négociations exclusives avec GSMN.

Le Conseil d’Etat demande que les employés de La Providence soient informés des conditions de travail proposées par Genolier et consultés, ce qui est fait mi-novembre. Une majorité très nette se dégage en faveur de l’intégration de La Providence dans le groupe GSMN.

Parallèlement et afin d’éviter toute pression sur les salaires, les conditions de travail ou les emplois, l’Etat propose de signer un accord avec La Providence, lui octroyant une couverture de déficit de trois millions de francs au maximum pour l’année 2012, à condition qu’elle signe le contrat de prestations 2012, comprenant le respect de la CCT Santé 21. Il s’agit d’une aide ponctuelle, qui ne doit pas se répéter.

Pour l’Etat, et le Conseil d’Etat l’a énoncé clairement dès le début de son intervention comme médiateur dans le conflit, le statu quo n’est pas une option possible s’agissant de La Providence.

En effet, l’Etat ne peut pas couvrir à long terme les déficits d’une entité privée, comme La Providence, dont les comptes devraient s’équilibrer sur la base des tarifs Swiss-DRG uniquement.

Dans la mesure où La Providence ne désire pas intégrer le réseau hospitalier cantonal HNE, le Conseil d’Etat a choisi l’option qui lui paraissait permettre le mieux de préserver les intérêts des patients, des employés, de l’hôpital de La Providence et de l’ensemble du réseau sanitaire neuchâtelois. Ce n’est pas une option idéale, mais c’est une option raisonnable.

Aujourd’hui, le Conseil d’Etat reste sur la ligne qu’il a toujours défendue. Il s’en tient à son arrêté de 2011. Il ne le modifie pas et reconnaît toujours le respect de la CCT Santé 21 comme une condition de base pour recevoir des missions hospitalières de l’Etat.

Contrairement à ce que demandait GSMN, le Conseil d’Etat ne reconnaît pas les conditions de travail actuellement proposées par GSMN comme étant équivalentes à celles de la CCT Santé 21, ce qui aurait permis d’admettre GSMN définitivement sur la liste hospitalière. Le Conseil d’Etat estime en effet que même si les salaires offerts sont équivalents et que certaines différences de conditions de travail sont compensées par des augmentations de salaires correspondantes, toutes les conditions de la CCT Santé 21 ne sont pas respectées, en particulier en matière de vacances ou de protection contre les licenciements.

Cela étant, dans le contexte du nouveau financement hospitalier, entré en vigueur le 1er janvier 2012, il n’est juridiquement pas possible de retirer des missions à un hôpital, qu’il soit public ou privé, pour de seules raisons politiques. Par ailleurs, indépendamment des risques de suites juridiques et financières qu’il prendrait en faisant cela, le Conseil d’Etat considère qu’il n’est pas possible de retirer abruptement les missions publiques à La Providence sans contraindre les patients à se rendre dans des hôpitaux hors cantons pour se faire soigner. En effet, HNE ne peut reprendre les missions, en particulier d’orthopédie, de La Providence à court terme dans la mesure où il n’a physiquement pas la place de le faire et qu’il devrait donc construire, ce qui prendrait un certain temps, comme on peut le constater avec le projet de rénovation du site de La Chaux-de-Fonds présenté par HNE (plus de 10 ans pour la rénovation de quatre unités de soins).

Dans ce contexte, l’Etat a accordé une dérogation à  GSMN concernant l’application de la CCT, pour des raisons de couverture sanitaire, en application de l’arrêté de 2011, souvent cité. Cette dérogation est provisoire. Elle délimite une situation qui n’est acceptable que transitoirement.

La situation est donc désormais la suivante :

  • La CCT santé 21 est appliquée par GSMN jusqu’au 31.12.2013.
  • Pour les années suivantes, GSMN bénéficiera d’une dérogation pour une période transitoire de trois ans et, les missions publique lui seront retirées progressivement, à mesure qu’HNE sera en mesure de les reprendre.

Cette solution est la meilleure dans le contexte existant parce que…

  • elle ne remet pas en cause la CCT, ni l’arrêté du Conseil d’Etat.
  • la CCT continuera à s’appliquer en 2013.
  • elle garantit les prestations aux patients dans le canton.
  • elle permet la réorganisation de La Providence sans licenciement.
  • elle permet d’éviter d’éventuels futurs déficits d’exploitation à couvrir par l’Etat pour cet établissement.
  • elle permet à GSMN de se positionner en toute connaissance de cause et de s’intégrer dans la culture politique neuchâteloise.
  • elle permet aux partenaires sociaux, une fois la tension baissée, de reprendre contact et de se remettre à la table de négociations.

En outre, GSMN nous assure …

  • que les salaires servis correspondront aux salaires actuels, y compris les indemnités, et qu’il n’y aura donc pas de baisse de salaire nominal.
  • que les augmentations d’horaire de travail seront compensées par des augmentations de salaires correspondantes.
  • que la réorganisation de La Providence se fera sans licenciement.
  • que les collaborateurs qui ont participé à la grève jusqu’à ce jour ne seront pas sanctionnés.

Vous demandez dans quelle mesure le Conseil d’Etat peut s’engager envers GSMN jusqu’en 2016 alors que la liste hospitalière actuellement en vigueur ne porte que jusqu’en 2014.

Je vous rappelle que l’Hôpital de La Providence est un acteur important du système hospitalier neuchâtelois. Il traite plus de 1700 patients par année relevant de l’assurance obligatoire des soins et exploite plus de 50 lits dans les domaines de prestations de l’orthopédie, de l’ophtalmologie et de la néphrologie. Pour la prestation de dialyse qui relève de son mandat de néphrologie, il dispose en outre d’un mandat cantonal, ce qui signifie qu’il est le seul prestataire à offrir ce type de traitement dans le canton.

Dans ce contexte et comme je l’ai dit en introduction, HNE n’est pas en mesure d’absorber l’ensemble de cette activité à court terme. Une réorganisation importante de son activité, voire la construction d’une extension de ses bâtiments, devrait être envisagée, ce qui ne peut se faire à brève échéance.

Le Conseil d’Etat estime qu’une période transitoire de quatre ans au total et de deux ans après l’établissement de la nouvelle planification hospitalière, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2015, sera nécessaire pour permettre à HNE d’organiser une éventuelle reprise de l’activité de La Providence, si GSMN devait renoncer définitivement à appliquer les conditions de la CCT Santé 21.

Il s’agit donc là d’un engagement politique pris par le Conseil d’Etat qui devra être confirmé par une décision formelle, sujette à recours, lors de l’établissement de la liste hospitalière valable dès 2015.

Vous demandez enfin si le Conseil d’Etat a tenu compte du projet de loi demandant l’application des conditions de la CCT Santé 21 actuellement en discussion au sein de la commission Santé du Grand Conseil.

Tout d’abord, je tiens à préciser que ce projet de loi a été discuté pour la première fois en séance de cette commission le 18 janvier. Seule l’urgence a été débattue et acceptée à cette occasion, ce à une très courte majorité.

Nous n’avons pas encore eu l’occasion d’en parler au sein du Conseil d’Etat, ni même avec le Service juridique, mais il semble a priori que la solution proposée par ce projet soit très difficilement applicable. Cette appréciation se base sur les arguments que j’ai développés précédemment et sur les raisons de l’octroi à GSMN d’une dérogation à son arrêté de septembre 2011 par le Conseil d’Etat.

Le projet de loi ne prévoit aucune possibilité de déroger à l’application de la CCT Santé 21. Le Conseil d’Etat craint dans ce cas de ne plus être en mesure de remplir son devoir légal en matière de santé et de ne plus pouvoir garantir l’accès aux prestations hospitalières à l’ensemble de la population neuchâteloise, HNE n’étant pas en mesure de traiter l’ensemble des patients neuchâtelois. Il s’agirait alors de conclure des contrats de prestations en urgence avec plusieurs cantons, sans être sûr non plus que ces cantons appliquent tous une CCT, pour pouvoir absorber tous les patients neuchâtelois et de les envoyer hors canton. Le Conseil d’Etat s’y refuse. Il a une responsabilité morale à l’égard de ses citoyens.

En conclusion, le Conseil d’Etat aimerait rappeler son attachement au partenariat social et aux CCT en particulier.

L’Etat s’est beaucoup investi dans l’élaboration de la CCT santé 21, mais aussi dans d’autres CCT, et il continuera à le faire parce qu’il croit que le partenariat entre employeurs et employés est la manière la plus efficace de travailler.

C’est la raison pour laquelle, en fin d’année passée, le Conseil d’Etat a donné sa garantie à la nouvelle CCT Santé 21, négociée entre employeurs et employés de la santé durant l’année 2012 et qui est entrée en vigueur au 1er janvier 2013 pour une durée de 4 ans. La CCT Santé 21 n’est donc remise en cause ni par les employeurs, ni par l’Etat.

Il ne peut pas y avoir d’effet domino du fait de la dénonciation de la CCT par La Providence, parce que la CCT est inscrite dans les lois sur l’EHM, sur le CNP et sur Nomad. C’est donc la loi qui exige que ces entités, qui sont de très loin les principaux pourvoyeurs d’emplois dans le domaine de la santé, respectent la CCT Santé 21. Et le Conseil d’Etat est sûr que votre Autorité ne voudra pas modifier ces lois.

En 2011, le Conseil d’Etat actuel a étendu, par arrêté, le respect de la CCT aux institutions qui reçoivent des missions hospitalières de l’Etat. En l’occurrence, il n’y en a qu’une qui est concernée, c’est La Providence. La Providence est donc un cas particulier.

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat insistera auprès du nouvel employeur qu’est GSMN et auprès des employés de La Providence, pour que l’on se remette autour de la table et que l’on reprenne les négociations en vue de conclure un accord de partenariat social.

 

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