Site hospitalier de soins aigus unique

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les députés,

Dans son rapport au Grand Conseil concernant les options stratégiques de l’EHM à horizon 2017 de fin décembre 2011, le Conseil d’Etat proposait de mener une étude sur la création d’un site unique de soins aigus pour le canton et, dans le prolongement, d’un centre de traitement et de réadaptation (CTR) unique.

Ces deux options ont  été validées au mois d’avril 2012 par décret du Grand Conseil qui a par ailleurs souhaité fixer un cadre contraignant, notamment temporel, au Conseil d’Etat pour lancer et mener ces études. Ainsi, à l’article 4 du décret, dans sa version amendée, il est demandé au Conseil d’Etat de présenter une demande de crédit d’engagement pour réaliser une étude sur un site unique de soins aigus, ainsi que pour entreprendre une réflexion sur les limites des soins aigus à dispenser dans le canton.

Le Conseil d’Etat a donné suite à cette requête et présenté un rapport après avoir mené un important travail de recherche, de consultations et d’évaluation.

En effet, le Service de la santé publique s’est appuyé sur les réflexions et les évaluations faites pour l’hôpital de Rennaz et a eu de nombreux contacts avec son homologue vaudois. Il a également profité des conseils avisés de M. Girardin, de HPartner qui est expérimenté dans le domaine des grands projets hospitaliers et qui a participé aux réflexions sur l’hôpital de Rennaz. Il nous a aidé à définir quels sont les besoins, les travaux de préparation, l’organisation du travail et les étapes à prévoir. Il a également contrôlé les éléments comptables et les temps de travail nécessaires pour chaque groupe de travail.

Nous avons demandé ensuite au bureau d’étude Iten et Brechbühl de nous faire une pré-offre de ce que coûterait l’évaluation architecturale des sites et au bureau Lead de nous faire aussi une pré-offre pour l’évaluation des surfaces nécessaires. Nous avons donc calculé les temps de travail et les coûts au plus précis.

Ainsi, par son rapport 12.055, le Conseil d’Etat donne suite aux demandes du Grand Conseil en sollicitant de sa part un crédit d’engagement de 3.5 millions de francs. Ce crédit doit lui permettre de mener à bien les études nécessaires à une appréciation de la faisabilité et de l’opportunité de créer un site unique de soins aigus, respectivement un centre de traitement et de réadaptation unique, ou de poursuivre dans la voie d’une activité de soins aigus répartie sur deux sites, et de réadaptation sur quatre sites.

Cette option du site unique de soins aigus est dans l’air, si l’on peut dire, depuis quelques années déjà. Evoquée par le Groupe de pilotage politique, constitué à la suite des états généraux de la santé, elle a été reprise par le Conseil d’Etat dans son rapport de 2011 sur les options stratégiques d’HNE. Cependant, elle n’a jamais fait l’objet d’études spécifiques.

Certes, différentes analyses partielles ont été menées dans le cadre de mandats assez larges, donnés à des bureaux d’experts. Elles ont d’ailleurs abouti à des conclusions parfois contradictoires.

La question d’un CTR unique n’a quant à elle même jamais fait l’objet d’aucune analyse.

Actuellement, de nombreux avis divergents s’expriment au sujet de l’opportunité, de la faisabilité, de l’utilité et, bien sûr, de la localisation d’un site unique de soins aigus. Pour certains, cette centralisation est une évidence. Pour d’autres, l’organisation actuelle sur deux sites donne satisfaction et permet d’offrir d’excellente prestations de proximité à l’ensemble de la population. Certains imaginent que le site de Pourtalès pourrait accueillir toutes les activités de soins aigus sans grandes modifications architecturales. D’autres estiment que le canton n’a pas les moyens d’investir entre 150 et 300 millions dans un hôpital qui a déjà 315 millions de dettes. D’autres enfin considèrent qu’un site unique devrait être localisé dans une zone à bâtir de Val-de-Ruz, proche d’une gare et d’une bretelle d’autoroute. Nous venons d’ailleurs d’entendre la plupart de ces avis dans cet hémicycle depuis le début du présent débat.

Considérant les enjeux tant politiques que sanitaires et financiers, le Conseil d’Etat considère qu’on ne peut se contenter de déclarations péremptoires ou d’a priori pour prendre une décision d’une telle importance.

Pour étayer le propos, on constate qu’aucune des études réalisées jusqu’à présent n’a pris en compte les aspects liés à l’aménagement du territoire, aux transports, à l’accessibilité, ni n’a imaginé le devenir éventuel des sites actuels.

Par exemple, sachant que le trafic vers PRT n’est pas très fluide et que ce site a été construit comme un hôpital communal et non cantonal, une analyse est souhaitable pour définir d’une part quels travaux d’agrandissement seraient nécessaires pour lui permettre d’accueillir l’ensemble de l’activité hospitalière de soins aigus du canton et, d’autre part, si l’accessibilité est suffisante pour les patients neuchâtelois, si les nuisances ne sont pas trop importantes pour la population du quartier, etc.. Les coûts d’aménagement des accès à l’hôpital peuvent être très importants et modifier considérablement le besoin en investissements. Les autorités des cantons de Vaud et du Valais ont sous-estimé cette composante et se retrouvent aujourd’hui confrontées à un surcoût de plusieurs dizaines de millions de francs pour procéder à des adaptations de l’accès autoroutier au site hospitalier intercantonal de Rennaz dans le Chablais vaudois… et pourtant, l’accès à Rennaz est bien plus simple qu’à Pourtalès !

Vous l’aurez compris, de par son importance stratégique et financière, une telle décision ne peut se prendre sur de simples hypothèses, raison pour laquelle le Conseil d’Etat a souhaité se donner les moyens de prendre une décision éclairée, avec une approche systémique, comme décrite dans son rapport. Le Conseil d’Etat reste convaincu que cette approche est la seule cohérente et responsable.

Certaines personnes estiment qu’il est nécessaire de séparer la décision de principe sur la création d’un site unique de celle de sa localisation. Nous ne pouvons pas agir de cette manière.

On le voit, politiquement, la localisation du ou des sites uniques est centrale. Techniquement, elle a également son importance. Par exemple, la reconversion d’un site existant en site unique de soins aigus ou de réadaptation ou la création, de novo, d’un site unique peut modifier les coûts d’investissements du simple au double, voire au triple.

Les étapes proposées par le Conseil d’Etat consistant en des analyses de faisabilité et d’opportunité et le fait d’appréhender toutes ces études dans le cadre d’un seul et unique projet doivent permettre de concilier l’ensemble des perspectives précitées.

L’option traduite par un amendement de la commission santé qui consiste à réaliser l’étape 1 proposée dans notre rapport – l’étude du cahier des charges – m’apparait comme un premier pas intéressant, qui permettra de définir ce que nous voulons mettre dans cet hôpital.

Le monde de la santé se caractérise par une évolution extrêmement rapide. Il faut donc faire cette analyse et la mettre en perspective avec les tendances que l’on observe actuellement dans le monde hospitalier : l’évolution vers l’ambulatoire (il faudra probablement prévoir un parcours ambulatoire spécifique), l’évolution des techniques, la croissance des besoins en gériatrie et l’augmentation des maladies chroniques. Ce sont des évolutions importantes, qui ont une influence sur l’organisation de l’hôpital et donc sur les surfaces nécessaires.

La question que nous posons aujourd’hui est très importante : nous faut-il un hôpital de soins aigus unique ou pouvons-nous vivre avec nos deux sites actuels ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre comme ça. Si nous avons deux hôpitaux aujourd’hui, c’est que cela a correspondu jusqu’à maintenant à nos bassins de population, aux besoins des Neuchâtelois du haut et du bas, à ces familles qui ne sont pas très riches, pas toujours motorisée, et à notre climat, qui veut qu’il soit difficile de se déplacer durant quelques semaines par année. Les coûts d’un site unique seront très élevés (l’installation du centre femme-mère-enfant à Neuchâtel a coûté 10 millions d’investissement, plus 1,7 millions pour installer l’oncologie dans l’ancien conservatoire parce qu’il n’y avait plus de place dans le bâtiment principal). L’accessibilité sera plus difficile pour une grande partie du canton. La moins grande proximité nous fera perdre des patients au profit des cliniques privées. Les prestations n’en seront pas améliorées puisque nous avons déjà aujourd’hui des centres de compétences qui réunissent toutes les activités du même type sur le même site.

Avec nos deux sites actuels, nous pouvons faire une excellente médecine de proximité. Nous n’avons pas et nous n’aurons jamais un hôpital universitaire. Nous n’avons pas cette ambition. Les hôpitaux universitaires coûtent d’ailleurs bien plus cher qu’HNE pour les mêmes prestations. Nous devons continuer à faire cette bonne médecine de proximité, car nous pouvons la fournir à bien meilleur marché que les grands hôpitaux.

Je ne serai plus là, mais ce que j’ai appris durant ces quatre années, c’est qu’on ne construit plus des hôpitaux comme ceux que nous avons, qui sont difficilement adaptables et continueront de nous coûter tant que nous continuerons de les utiliser. Si nous voulons vraiment innover, mieux servir la population, disposer d’un outil moderne et efficient, nous devrons construire un hôpital modulaire, facilement transformable, le fameux hôpital en étoile. Si nous voulons un hôpital unique, pourquoi ne pas voir à plus long terme, plutôt que de tenter de bricoler avec nos bâtiments existants ?

Tout ne milite pas, et de loin, pour un hôpital unique. Cependant, si nous voulons un jour prendre une décision quant à la création ou non d’un site unique de soins aigus, respectivement de réadaptation, ces études sont indispensables.

Le Grand Conseil a demandé en 2012 que nous les fassions. Faisons-les et vous aurez tout loisir, M. le président, Mesdames et Messieurs les députés, d’évaluer tous les éléments le moment venu.

En ce qui concerne l’amendement de la commission, le Conseil d’Etat ne s’y oppose pas.

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