Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Vous allez examiner une proposition de modification de la loi de santé visant à donner la compétence au Conseil d’Etat d’assurer l’organisation d’une centrale sanitaire d’alarme et d’engagement 144. Ce mandat porte également sur l’organisation des soins pré-hospitaliers dans le canton. Vos choix auront une portée qui dépasse la dimension législative; ils auront des conséquences directes sur la sécurité sanitaire de notre population.
Toutes les personnes consultées ont relevé les problèmes et les risques pour les patients résultant de l’organisation actuelle, que l’on doit malheureusement qualifier d’historique puisqu’elle date du dispositif imaginé pour l’Expo ’02. Je rappelle que le numéro 144 est opéré par la centrale de la police, sans personnel formé au niveau sanitaire. Il en résulte une absence de tri médical et aussi une inefficience dans l’engagement des moyens de secours. En plus, la hot-line pédiatrique d’HNE est saturée en permanence et son fonctionnement ne donne pas satisfaction. HNE insiste pour que nous réglions ce problème aussi rapidement que possible et est très favorable à une collaboration avec la FUS Vaud pour cela. En dernier, lieu l’organisation des gardes médicales du canton pourrait être améliorée pour répondre mieux aux besoins et économiser les ressources médicales, dans un contexte de pénurie.
Après avoir analysé les besoins, il est vite apparu qu’une réforme, non seulement de la centrale 144, mais encore des gardes médicales et de la hotline pédiatrique étaient nécessaire et urgente et devaient être traités dans le même dossier. Ce sont des services conjoints qui ne peuvent pas être séparés sans diminution de leur efficacité.
Après avoir renoncé à l’option jurassienne faute d’agenda compatible, le Conseil d’Etat a voulu s’inspirer des organisations en place dans les cantons voisins, Vaud et Fribourg. C’est la solution vaudoise qui a été retenue suite à un appel d’offre. Cette solution permet de répondre aux trois besoins évoqués ci-dessus, la gestion des appels d’urgence et des services, ainsi que la hotline pédiatrique.
Les solutions techniques étudiées ne sont pas des improvisations. Elles se basent sur l’expérience de vingt ans de la Fondation Urgences santé dans le canton de Vaud. Elles répondent aussi immédiatement aux critères de l’Interassociation de sauvetage (IAS) qui définit les normes de sécurité au niveau suisse.
La consultation qui a eu lieu a mis en évidence un consensus sur la nécessité et l’urgence de trouver des solutions aux problèmes du 144. Les villes de Neuchâtel et de la Chaux-de-Fonds nous ont posé plusieurs questions en soulevant des problèmes techniques si la centrale était externalisée dans le canton de Vaud. Ces réserves ont trait essentiellement au maintien de la polyvalence de la fonction de pompier-ambulancier et de la concurrence dans l’engagement des ressources émanant de deux centrales distinctes. Notre expert a planché plus particulièrement sur ces deux questions et a apporté des solutions techniques tout à fait convaincantes. La FUS Vaud en est également convaincue. Les villes en ont été informées et leur réserves nous paraissent aujourd’hui sans fondement.
La polyvalence des pompier/ambulanciers a été prise en compte durant toute la réflexion menée depuis le début du projet. Cette polyvalence peut parfaitement être maintenue même si deux centrales séparées sont susceptibles d’engager des ressources. Pour cela, il suffit que les deux centrales aient une vue permanente sur la disponibilité des ressources et que des procédures claires aient été élaborées. Ces procédures indiqueront notamment comment doivent être engagées les ressources en fonction des événements (par distance, par spécialité, etc.).
Par exemple si les ressources du SIS sont engagées sur un événement pompiers, et qu’il n’y a plus temporairement de ressources disponibles pour partir avec une ambulance, la centrale voit directement qu’elle ne peut temporairement pas engager une ambulance du SIS et fait appel à un autre service si elle doit engager une ambulance. Lorsque les ressources de réserve arrivent en caserne, elles sont marquées comme disponibles et peuvent à nouveau être engagées.
A noter qu’à la demande des commandants des SIS, il a été intégré au concept un « casernier », personne en permanence à la caserne en charge de tenir à jour l’état des ressources dans le système informatique. Par la suite, les systèmes embarqués dans les véhicules permettront d’indiquer l’état des ressources directement depuis le véhicule.
Cette problématique de gestion de la disponibilité des ressources n’est pas propre au fait d’avoir deux centrales séparées. En effet, une ambulance peut être engagée sur une mission non prioritaire sans que la demande soit passée par la centrale. De même, des ressources peuvent être temporairement indisponibles dans une caserne sans que ce soit du fait de la centrale. Il est donc de toute façon nécessaire d’avoir une gestion de la disponibilité des ressources.
Les problèmes dans la conduite des opérations avec une compétition entre moyens ambulanciers et pompiers ainsi que la perte potentielle de la polyvalence pompiers-ambulanciers – avec les coûts indirects induits par un éventuel dédoublement des équipes – est donc tout à fait faux. Des solutions techniques existent et elles seront discutées avec les partenaires de terrain pour permettre une mise en œuvre sereine.
Le Conseil d’Etat a tenu à insister sur l’efficience et la maîtrise des coûts. Nous avons en main un budget fiable si la collaboration vaudoise se met en place, car il se calque sur les coûts effectifs de l’organisation vaudoise. La solution proposée a aussi le mérite d’être la plus économique. Une centrale 144 coûte plus de 12 Fr par habitants au canton du Jura; elle nous coûtera 3.90 Fr par habitant si nous choisissons l’offre vaudoise pour la prestation 144.
En plus de la qualité des prestations, la solution proposée grâce à un tri professionnel des appels crée un potentiel d’efficience. Efficience dans l’engagement des ambulances et des SMUR, efficience dans le recours aux médecins de garde, dont l’activité devient critique dans certains districts par un début de pénurie. Ce gain en efficience bénéficiera directement à la population. Le postulat « Pour plus d’équité dans le financement du pré-hospitalier » soumis par la commission parlementaire rejoint nos préoccupations. Avant de chercher des solutions pour harmoniser le coût par habitant des ambulances, il convient que chaque course d’ambulance soit justifiée et ceci sera atteint par un tri professionnel au niveau de la centrale d’engagement.
La commission préalable 144 du Grand Conseil a examiné en détail notre rapport et a pu auditionner toutes les parties. Cette commission a approuvé le rapport du Conseil d’Etat à l’unanimité en proposant deux amendements. Concernant l’engagement des pompiers, les questions posées sont légitimes. Le DJSF a entrepris des travaux, en collaboration avec les SIS, qui fourniront le contenu du rapport attendu pour répondre à cet amendement. A ce sujet, il est toutefois important de rappeler que le cahier des charges d’une centrale 144 s’appuie sur des compétences sanitaires, notamment pour opérer le tri des urgences. Ces compétences des régulateurs appelés à trier les appels nécessitent une formation poussée. Il est loin d’être acquis que ces compétences puissent être mélangées avec celles nécessaires au domaine feu-police puisque c’est bien une des graves faiblesses du système actuel.
Nous avons plus de réserve concernant l’amendement limitant la durée du premier contrat avec la FUS-Vaud. Les contacts initiaux avaient permis de déterminer une première période cinq ans pour ce mariage de raison. En effet, des investissements, du recrutement et de la formation de collaborateurs seront nécessaires. Sans préjuger de la position de nos partenaires vaudois, si vous votez cet amendement, j’espère que nous trouverons les mots pour les convaincre, tant au niveau de mon homologue chef du DSAS, qu’auprès de la FUS-Vaud, que cette première phase limitée est nécessaire; ceci pour assurer au plus vite la sécurité sanitaire dans notre canton.
Le Conseil d’Etat a voulu trouver une solution globale par une réorganisation des soins pré-hospitaliers dans leur ensemble. Saucissonner les prestations sanitaires, comme le propose les directeurs des SIS, soit deux à Lausanne une dans le canton, ferait perdre de la cohérence et de l’efficience. La FUS-Vaud, interrogée récemment à ce sujet, s’est d’ailleurs déclarée opposée à ne reprendre qu’une partie de ces prestations qu’elle considère comme un tout.
Nous lisons avec étonnement dans un récent courrier des directeurs des SIS qu’en six mois ceux-ci seraient opérationnels pour l’alarme, donc le tri médical compatible avec une reconnaissance IAS. Permettez-moi d’en douter. Suite à nos questions, les SIS n’ont jamais pu expliquer comment ils formeraient des régulateurs sanitaires du niveau attendu par l’IAS, ni comment ils assureraient une supervision médico-technique en l’absence d’urgentistes disponibles dans le canton, conditions préalables pour avoir une centrale reconnue.
Les compétences des SIS en termes de service de feu et de transports ambulanciers ne sont pas remises en cause. Nous nous réjouissons de collaborer avec eux sur ces matières très techniques. Mais, force est de constater que ce dossier, pour répondre aux exigences de 2013, est devenu une question essentiellement sanitaire. Il faut donc laisser le soin à ceux qui en ont la légitimité de construire ce nouveau dispositif de santé publique.
Le soutien unanime, des médecins privés et hospitaliers en est la preuve. Une unanimité plutôt rare dans ce canton.
Devant les enjeux, mais aussi les risques encourus par les usagers, il convient maintenant de faire un choix responsable. Tergiverser, demander un complément de rapport, analyser encore et encore n’est plus de mise. Nous attendons du Grand Conseil qu’il se détermine maintenant sur cette réorganisation des soins pré-hospitaliers.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à suivre les propositions du Conseil d’Etat, matérialisées par la modification de la loi de santé contenue dans le rapport 13.009 tout en précisant que le Conseil d’Etat ne s’opposera pas aux amendements de la commission 144.